Cybersécurité : quand la protection atteint ses limites

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Dans un monde toujours plus connecté, la cybersécurité est devenue un enjeu central de la souveraineté, de la confiance et de la vie quotidienne. États, entreprises, hôpitaux, particuliers : tous sont concernés. Pourtant, malgré les progrès spectaculaires des technologies de protection, les cyberattaques continuent de se multiplier. Derrière les pare-feux, les antivirus et les intelligences artificielles, une vérité s’impose : la cybersécurité n’est pas infaillible. Elle a ses limites — techniques, humaines et stratégiques — que les pirates exploitent avec une redoutable efficacité.

Une course sans fin entre défense et attaque

La cybersécurité fonctionne selon une logique d’escalade permanente. Chaque nouvelle barrière de protection entraîne une riposte inventive des attaquants. Dès qu’une faille est corrigée, une autre apparaît. Ce jeu du chat et de la souris rend la sécurité numérique fondamentalement provisoire.

Les attaques deviennent de plus en plus sophistiquées : logiciels malveillants capables de s’adapter en temps réel, ransomwares utilisant l’intelligence artificielle, phishing personnalisé, infiltration via des objets connectés. En 2024, le nombre d’incidents signalés a encore augmenté de 25 % en Europe selon l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA).

« On ne peut pas parler de sécurité absolue, seulement de résilience », résume un expert du secteur. Les entreprises ne cherchent plus à être invulnérables — ce serait illusoire — mais à détecter, contenir et réagir le plus vite possible.

La faille humaine, talon d’Achille universel

Même les meilleures technologies de défense ne résistent pas à l’erreur humaine. En 2024, plus de 80 % des cyberattaques réussies sont parties d’un simple clic mal placé, d’un mot de passe trop faible ou d’un message d’hameçonnage ouvert par un employé.

La psychologie reste l’arme la plus efficace des pirates. Les campagnes de phishing (hameçonnage) utilisent des techniques de manipulation toujours plus crédibles : fausses factures, alertes de sécurité, messages imitant à la perfection ceux d’une administration ou d’un collègue. En entreprise, une seule négligence peut compromettre tout un système.

Les formations en cybersécurité se multiplient, mais elles peinent à suivre le rythme des menaces. « Tant que l’humain restera au centre des systèmes numériques, il restera le maillon faible », explique une consultante en sécurité informatique.

Des infrastructures critiques vulnérables

Hôpitaux, réseaux d’énergie, transports, administrations : les infrastructures critiques représentent un autre point faible. Ces systèmes, souvent anciens, ont été conçus avant l’ère du numérique et de la connectivité. Leur modernisation est coûteuse, longue et complexe. Résultat : ils restent exposés à des attaques capables de paralyser un pays entier.

En 2023, plusieurs hôpitaux français ont dû reporter des opérations après des attaques par ransomware. Les pirates, souvent organisés en groupes transnationaux, exigent des rançons en cryptomonnaie pour restituer les données volées. Dans certains cas, les pertes financières et la désorganisation durent des mois.

Les États, conscients du risque, investissent massivement dans la cybersécurité nationale, mais les chaînes d’approvisionnement mondialisées compliquent la tâche. Un sous-traitant mal protégé peut devenir la porte d’entrée vers des réseaux hautement sécurisés, comme l’a montré l’affaire SolarWinds aux États-Unis.

L’illusion de la technologie toute-puissante

L’intelligence artificielle et la cryptographie avancée sont souvent présentées comme les solutions miracles de demain. Pourtant, elles comportent leurs propres vulnérabilités. Les mêmes technologies qui servent à protéger peuvent aussi être détournées pour attaquer.

Les IA défensives analysent des millions de signaux pour repérer les comportements suspects, mais les cybercriminels s’en servent à leur tour pour automatiser les attaques, créer des leurres réalistes et contourner les filtres. Les deepfakes, par exemple, permettent déjà de manipuler la voix ou le visage d’un responsable pour ordonner un virement ou diffuser une fausse information.

Les outils de chiffrement, indispensables à la confidentialité, posent aussi un paradoxe : ils rendent certaines communications impossibles à surveiller, même pour les autorités chargées de la lutte contre le cybercrime. La sécurité des uns devient parfois la vulnérabilité des autres.

Le coût croissant de la sécurité

Assurer la cybersécurité représente une charge financière considérable. Les entreprises consacrent désormais entre 8 et 15 % de leur budget informatique à la protection des données. Pour les PME, cette exigence peut devenir insoutenable. Beaucoup n’ont pas les moyens de se doter de systèmes robustes ni d’équipes spécialisées.

Cette fracture numérique crée un monde à deux vitesses : d’un côté, les grandes entreprises capables d’investir dans des centres de cybersécurité 24h/24 ; de l’autre, des structures plus petites, souvent démunies, qui deviennent les cibles privilégiées des pirates.

Les assurances cyber, censées offrir une solution, voient leurs tarifs exploser. Certaines compagnies refusent même de couvrir les attaques si les victimes n’ont pas respecté un protocole de sécurité strict, parfois difficile à mettre en œuvre.

Une question de souveraineté et d’éthique

Au-delà des enjeux techniques, la cybersécurité pose des questions politiques. Qui contrôle la sécurité numérique d’un État ? Faut-il confier cette mission à des entreprises privées, parfois étrangères ? Et jusqu’où faut-il aller dans la surveillance pour protéger les citoyens ?

Les lois de cybersécurité, souvent pensées dans l’urgence, se heurtent au dilemme entre sécurité et liberté. Renforcer la traçabilité, c’est aussi risquer d’accroître la surveillance généralisée. Certaines démocraties, comme la France, cherchent un équilibre délicat entre protection nationale et respect de la vie privée.

Vers une “cyber-résilience” collective

Face à la multiplication des menaces, la solution ne réside pas seulement dans la technologie, mais dans la culture de la cybersécurité. Former les citoyens, responsabiliser les entreprises, renforcer la coopération internationale : autant de leviers essentiels pour construire une cyber-résilience durable.

La cybersécurité ne peut pas tout. Elle ne supprimera jamais complètement le risque, mais elle peut en limiter la portée et en accélérer la réponse. C’est un bouclier imparfait, mais indispensable.

À l’heure où nos vies, nos économies et nos démocraties reposent sur le numérique, comprendre ses limites n’est pas un signe de faiblesse — c’est la première étape pour bâtir une protection plus intelligente, plus humaine et plus collective.

L’ingénieur informatique : architecte du monde numérique

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Invisible mais omniprésent, l’ingénieur informatique est devenu l’un des acteurs centraux de la société moderne. De la gestion des données à la cybersécurité, de l’intelligence artificielle aux applications mobiles, il conçoit, développe et sécurise les outils numériques qui structurent notre quotidien. Derrière chaque innovation technologique, chaque service en ligne et chaque algorithme, il y a un ingénieur qui pense, code et optimise. Son rôle ne se limite plus à la technique : il est désormais stratégique, économique et sociétal.

L’architecte des systèmes numériques

Le premier rôle de l’ingénieur informatique est de concevoir et développer des solutions technologiques adaptées aux besoins des entreprises, des administrations ou du grand public. Son champ d’action est immense : logiciels, réseaux, bases de données, sites web, applications mobiles, objets connectés, systèmes embarqués…

Selon son domaine, il peut être développeur, architecte système, ingénieur en intelligence artificielle, administrateur réseau ou encore expert en cybersécurité. Tous ont un point commun : ils traduisent des besoins humains ou économiques en langage informatique.

Son travail commence bien avant la ligne de code : il analyse les besoins, modélise les processus, choisit les technologies, anticipe les contraintes de sécurité et de performance. L’ingénieur informatique est un bâtisseur : il conçoit les infrastructures invisibles qui permettent au numérique de fonctionner avec fiabilité et fluidité.

Un acteur clé de la transformation numérique

Dans un monde où chaque secteur — de la santé à la finance, du transport à l’énergie — dépend des technologies de l’information, l’ingénieur informatique est un levier de transformation.
Les entreprises s’appuient sur lui pour moderniser leurs processus, automatiser leurs tâches, stocker et exploiter leurs données. Grâce à lui, les organisations deviennent plus agiles, plus connectées, plus performantes.

C’est aussi lui qui accompagne la transition vers le cloud, qui déploie des solutions d’intelligence artificielle pour améliorer la prise de décision, ou qui développe des outils de communication à distance. Sans ingénieurs informatiques, pas de télétravail, pas de commerce en ligne, pas de services publics numériques.

Dans le secteur industriel, ils participent à la montée en puissance des usines intelligentes (smart factories) et de la robotique. Dans la santé, ils développent des systèmes capables d’analyser des millions de données médicales pour aider au diagnostic. Dans l’énergie, ils optimisent les réseaux électriques grâce aux capteurs connectés. Bref, ils inventent l’économie de demain.

La cybersécurité, nouvelle frontière du métier

À mesure que les systèmes deviennent interconnectés, les risques augmentent. Piratages, fuites de données, ransomwares : la sécurité informatique est devenue une priorité absolue.
L’ingénieur informatique joue ici un rôle de gardien numérique. Il conçoit des infrastructures capables de résister aux cyberattaques, met en place des protocoles de protection et forme les utilisateurs aux bonnes pratiques.

Les ingénieurs en cybersécurité travaillent dans l’ombre, mais leur mission est vitale : garantir la confiance dans le monde numérique. Sans eux, aucune entreprise, aucune institution, aucun particulier ne serait à l’abri des menaces informatiques qui se multiplient.

L’humain au cœur du code

Contrairement à une idée reçue, le métier d’ingénieur informatique n’est pas uniquement technique. Il repose aussi sur des qualités humaines : la communication, la pédagogie, la créativité et l’esprit d’équipe.
Un bon ingénieur doit comprendre les besoins des utilisateurs, collaborer avec des profils variés — chefs de projet, designers, clients — et trouver des solutions simples à des problèmes complexes.

Il doit aussi faire preuve d’une éthique irréprochable. Les questions de respect de la vie privée, de biais algorithmiques ou de surveillance numérique placent les ingénieurs face à des choix moraux cruciaux. Ils ne se contentent plus de construire des outils : ils doivent réfléchir à leurs impacts.

Un métier en tension, mais d’avenir

Le rôle de l’ingénieur informatique n’a jamais été aussi crucial, et pourtant, le secteur souffre d’une pénurie de talents. En France, des milliers de postes restent vacants chaque année. Les entreprises recherchent des profils capables d’allier compétences techniques, compréhension économique et vision stratégique.

Les écoles d’ingénieurs et les universités adaptent leurs formations : cybersécurité, data science, intelligence artificielle, développement durable… Les jeunes diplômés qui maîtrisent ces compétences sont très courtisés, en France comme à l’international.

Et les perspectives ne cessent de croître : selon les projections, plus de 200 000 emplois informatiques seront à pourvoir en Europe d’ici 2030.

Un bâtisseur du monde de demain

L’ingénieur informatique est bien plus qu’un technicien. Il est un bâtisseur de société. Il façonne les outils qui transforment nos vies, nos économies et nos démocraties. Dans un monde en quête de souveraineté numérique, d’efficacité énergétique et de sécurité des données, son rôle devient stratégique.

Son défi n’est plus seulement de concevoir des systèmes performants, mais de penser un numérique éthique, durable et au service de l’humain.
Car au-delà des lignes de code, c’est bien l’avenir de nos sociétés connectées que les ingénieurs informatiques dessinent, jour après jour, derrière leurs écrans.

Cybersécurité : Filigran signe une levée de fonds historique et entre dans la cour des géants

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C’est un record qui consacre la vitalité de la tech française. En bouclant une levée de fonds de 58 millions de dollars en Série C, la startup Filigran s’impose comme la nouvelle locomotive de la cybersécurité hexagonale. Trois ans à peine après sa création, l’entreprise totalise près de 100 millions de dollars levés, symbole d’une ambition désormais mondiale et d’une reconnaissance internationale du savoir-faire français dans la cyberdéfense.

Une levée record qui propulse Filigran au rang des leaders européens

Cette Série C, menée par le fonds Eurazeo, réunit plusieurs investisseurs majeurs : Insight Partners, Accel et Deutsche Telekom T.Capital, ce dernier signant son entrée au capital pour soutenir le développement de la société en Europe centrale. « C’est la levée la plus importante jamais réalisée par une startup française de cybersécurité », souligne Samuel Hassine, CEO et cofondateur de Filigran. « Elle illustre la capacité de l’écosystème français à innover et à s’imposer sur la scène internationale. »

L’arrivée du géant allemand des télécoms aux côtés de fonds américains historiques traduit une double ambition : renforcer l’ancrage européen tout en accélérant la conquête du marché nord-américain. Pour Samuel Hassine, ce nouvel équilibre reflète parfaitement l’identité de Filigran : « Nous avons choisi des partenaires qui partagent notre vision d’une cybersécurité ouverte, collaborative et mondiale, mais profondément enracinée dans une expertise européenne. »

Une croissance fulgurante portée par l’innovation et l’open source

Fondée en 2022, Filigran s’est fait un nom en développant une suite d’outils de cyber intelligence utilisés par plus de 6 000 organisations à travers le monde, dont Marriott, Rivian, Bouygues Télécom ou encore le FBI. Ses solutions open source — OpenCTI pour l’analyse de la menace, OpenBAS pour la simulation d’attaques — connaissent un succès grandissant. Bientôt, elles seront complétées par OpenGRC, un module dédié à la gestion proactive des risques.

La communauté open source gravitant autour de la startup a doublé en deux ans, preuve de l’attractivité de son approche. « Notre force, c’est de permettre aux entreprises de comprendre leurs adversaires, de simuler leurs comportements et d’adapter leur défense en conséquence », explique Samuel Hassine. « Nous ne faisons pas que détecter les attaques : nous aidons nos clients à les anticiper. »

Depuis sa Série B de 35 millions en 2024, la croissance de Filigran a pris une dimension planétaire : triplement de ses effectifs aux États-Unis, implantation au Japon, en Arabie Saoudite, à Singapour et en Nouvelle-Zélande. Le siège et la R&D demeurent en France, où travaillent une centaine de collaborateurs, tandis que les filiales internationales accompagnent la montée en puissance des clients grands comptes et du secteur public.

Une stratégie articulée autour de l’IA, de la donnée et de l’expansion mondiale

Cette nouvelle levée de fonds doit consolider trois priorités : l’innovation produit, l’intégration de l’intelligence artificielle et l’expansion internationale. L’objectif immédiat : accélérer le développement d’OpenGRC, une plateforme d’analyse de risques en temps réel, nourrie par la connaissance des menaces émergentes.

Filigran prépare également le lancement de XTM one, sa propre plateforme d’agents IA destinée à renforcer ses outils existants. Conçue pour fonctionner aussi bien dans le cloud qu’en environnement on-premise, cette solution vise à répondre aux exigences de sécurité des clients institutionnels et industriels.

L’expansion géographique figure elle aussi au cœur de la feuille de route. Grâce à l’appui de Deutsche Telekom T.Capital, la startup entend accélérer sur les marchés germanophones et renforcer ses positions en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient, tout en consolidant sa présence en Amérique du Nord.

Filigran, fer de lance de la cyber intelligence européenne

En trois ans, Filigran est passée du statut de pépite à celui d’acteur de référence. Son approche fondée sur la transparence, la collaboration et l’exploitation intelligente de la donnée séduit les grands comptes, mais aussi les institutions publiques confrontées à une explosion des menaces cyber.

« Face à la sophistication croissante des attaques et à l’essor de l’IA, notre mission est plus cruciale que jamais », conclut Samuel Hassine. « Nous voulons offrir à nos clients la capacité d’être proactifs, de mesurer leur exposition en temps réel et de réagir efficacement. »

Avec cette levée record, Filigran confirme que la cybersécurité française n’a plus rien à envier à la Silicon Valley. Et que, dans un monde où la menace devient la norme, l’innovation “made in France” peut aussi rimer avec leadership mondial.

Cyberattaque confirmée : l’UE pointe l’origine des perturbations dans plusieurs aéroports européens

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Bruxelles, Londres, Berlin, Dublin… Plusieurs grands aéroports européens ont été paralysés ce week-end par une panne d’envergure. Lundi, l’Agence européenne pour la cybersécurité (ENISA) a confirmé qu’il s’agissait bien d’une cyberattaque visant un prestataire stratégique. Les forces de l’ordre ont été saisies pour enquêter.

Une attaque au rançongiciel identifiée

Dans un communiqué publié lundi, l’ENISA a levé le doute : « Le type de rançongiciel a été identifié. Les forces de l’ordre ont été saisies pour mener l’enquête. » La panne, qui avait d’abord été présentée comme une « perturbation technique », est bien le résultat d’une cyberattaque d’un tiers.

Le prestataire visé n’est autre que Collins Aerospace, filiale du groupe américain RTX, fournisseur clé de logiciels d’enregistrement et d’embarquement. Son système MUSE a été ciblé, entraînant des retards en chaîne dans plusieurs hubs européens.

Files d’attente et retards en cascade

À Berlin, où l’aéroport accueillait ce week-end les dizaines de milliers de participants et spectateurs du marathon, les files d’attente se sont allongées bien au-delà de la normale. Lundi encore, malgré les renforts mobilisés, la situation restait tendue. L’aéroport a conseillé aux voyageurs de privilégier l’enregistrement en ligne pour limiter les embouteillages aux comptoirs.

Bruxelles, Londres et Dublin ont également subi des retards et des annulations, affectant des milliers de passagers. La désorganisation a rappelé la dépendance extrême du transport aérien aux systèmes informatiques et aux prestataires spécialisés.

Collins Aerospace tente de rassurer

Dans une déclaration à l’AFP, Collins Aerospace a reconnu une « perturbation d’origine cyber » et assuré travailler étroitement avec ses clients aéroportuaires et compagnies aériennes. L’entreprise affirme être dans « la phase finale des mises à jour nécessaires pour rétablir un fonctionnement normal ».

Si la société insiste sur le caractère limité et maîtrisé de l’incident, les perturbations observées dans plusieurs pays soulignent l’ampleur de l’impact d’une telle attaque.

Une nouvelle alerte pour la sécurité numérique européenne

Cette attaque illustre une fois de plus la vulnérabilité des infrastructures critiques face aux cybercriminels. L’aviation civile, secteur stratégique et hautement sensible, reste une cible privilégiée. Pour l’UE, cet incident rappelle l’urgence de renforcer la cybersécurité des prestataires et des chaînes d’approvisionnement numériques.

Après ce week-end chaotique, les voyageurs espèrent surtout un retour rapide à la normale. Mais pour les autorités européennes, la priorité est claire : tirer les leçons de cet épisode pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise à plus grande échelle.

Taxe Zucman : promesse sociale ou mirage fiscal ?

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Prévue à 2 % sur les fortunes de plus de 100 millions, la taxe Zucman divise : recettes réelles limitées, risque d’exil fiscal et incertitudes juridiques.
Une taxe symbolique au cœur du débat politique

Imaginée par l’économiste Gabriel Zucman, la taxe consiste à imposer à hauteur de 2 % annuels les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Derrière sa simplicité apparente, la mesure porte un message fort : faire contribuer davantage les ultra-riches dans un contexte de dette publique élevée et d’inégalités persistantes. Elle s’inscrit dans une tradition de fiscalité progressive défendue par la gauche, qui voit en elle un levier de justice sociale et une alternative à de nouvelles hausses d’impôts pour la classe moyenne.

Les partisans de la taxe avancent que les milliardaires français bénéficient déjà d’une fiscalité très favorable. Gabriel Zucman rappelle régulièrement que ces derniers ne paient quasiment pas d’impôt sur le revenu, leurs fortunes étant abritées dans des structures de détention patrimoniale sophistiquées. Pour ses soutiens, la taxe Zucman constitue une réponse aux critiques récurrentes sur l’impuissance des États face à la concentration des richesses et à l’explosion des patrimoines financiers. Elle aurait aussi une portée symbolique, en réaffirmant la capacité du pouvoir politique à encadrer l’économie.

Si la gauche politique en a fait un étendard, la communauté académique reste partagée. Certains y voient un outil réaliste et nécessaire pour rééquilibrer l’effort fiscal. D’autres dénoncent un projet « idéologique » peu ancré dans la réalité économique. La faisabilité technique et juridique, le risque d’exil fiscal, la compatibilité avec le droit européen et la pertinence du calcul des recettes attendues font l’objet d’âpres discussions. La « taxe Zucman » apparaît donc comme un révélateur des clivages profonds sur la fiscalité du capital en France.

Les écueils pratiques d’une mise en œuvre

La première critique avancée est celle de l’exil fiscal : les plus fortunés quitteraient le pays pour s’installer dans des juridictions plus accommodantes. Les défenseurs de la taxe relativisent ce risque en rappelant que les liens familiaux, culturels et professionnels ancrent souvent les contribuables dans leur pays d’origine. Les études empiriques montrent qu’il existe bien des départs, mais qu’ils ne sont pas massifs. Toutefois, même une minorité de départs peut avoir un impact non négligeable : selon Xavier Jaravel, professeur à la London School of Economics, ils pourraient représenter jusqu’à 20 % des recettes manquées, auxquelles s’ajouteraient 50 % de pertes liées aux stratégies d’optimisation et aux niches fiscales. L’enjeu est donc moins quantitatif que qualitatif : la réponse comportementale des contribuables conditionnera le succès ou l’échec de la mesure.

L’autre difficulté majeure réside dans la définition du patrimoine taxable. La mesure vise en partie les holdings utilisées pour réduire la fiscalité, mais elle inclurait aussi les parts détenues dans des start-up à forte valorisation. Or, ces entreprises ne génèrent pas nécessairement de liquidités. L’exemple souvent cité est celui de Mistral, jeune pépite française de l’intelligence artificielle, valorisée 14 milliards d’euros. Ses fondateurs, détenant 20 % du capital, devraient s’acquitter de 56 millions d’euros annuels… alors que l’entreprise n’a encore dégagé aucun bénéfice. La logique « papier » se heurte ici à la réalité de l’innovation : exiger une taxe sur des actions illiquides reviendrait à forcer les entrepreneurs à vendre, diluant leur contrôle et menaçant l’ancrage français des entreprises stratégiques.

Au-delà de l’économie, la taxe Zucman soulève des interrogations juridiques. Certains juristes estiment que l’instauration d’une « exit tax » pour compenser les départs fiscaux pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel au nom de la liberté d’établissement. D’autres doutent de la compatibilité de la mesure avec le droit européen. Les critiques soulignent aussi le risque d’une instabilité juridique décourageant l’investissement en France. Ces incertitudes renforcent l’image d’une réforme séduisante sur le papier, mais vulnérable face aux garde-fous institutionnels.

Entre recettes limitées et alternatives fiscales

Gabriel Zucman estime que sa taxe permettrait de lever 20 milliards d’euros par an. Mais les projections réelles, tenant compte de l’exil et de l’optimisation, ramènent ce chiffre à environ 5 milliards. Ce décalage massif interroge : un gain de 5 milliards demeure considérable, mais très loin des ambitions affichées. Pour les économistes sceptiques, cette surestimation fragilise la crédibilité de la mesure et pourrait déstabiliser une trajectoire budgétaire déjà incertaine.

Pour les opposants, la taxe Zucman enverrait un signal négatif aux investisseurs internationaux. Taxer lourdement le capital, beaucoup plus mobile que le travail, reviendrait à prendre le risque d’une fuite des entreprises et des talents. L’ancien directeur de la Toulouse School of Economics, Christian Gollier, estime que la gauche sous-estime ces effets à long terme : « Si la France est la seule à mettre en place une telle fiscalité, tous les Français y perdront. » La compétitivité fiscale reste donc un paramètre incontournable dans le débat.

Certains économistes préfèrent mettre en avant d’autres solutions : renforcer la lutte contre la fraude fiscale, taxer les holdings dormantes, ou encore instaurer des mécanismes ciblés sur les plus-values latentes transmises lors des successions. Ces pistes, moins spectaculaires politiquement, seraient néanmoins plus faciles à mettre en œuvre et potentiellement plus efficaces. Xavier Jaravel rappelle que « cinq milliards, c’est déjà énorme », mais qu’il vaut mieux des réformes réalistes qu’un projet aussi clivant qu’incertain.



Dette française : la crainte d’un déclassement durable

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Les incertitudes politiques nourrissent l’inquiétude des marchés et font planer le spectre d’un affaiblissement structurel de l’économie française.
La défiance des marchés face à l’instabilité

Depuis la dissolution de juin 2024, les marchés observent la France avec circonspection. La menace d’une nouvelle crise politique fragilise encore davantage la confiance des investisseurs, qui redoutent l’incapacité du pays à stabiliser ses finances publiques.

La Bourse de Paris affiche un retard croissant par rapport aux indices européens. La chute de 1,60 % enregistrée le 25 août symbolise cette défiance. Les capitaux internationaux préfèrent se tourner vers des économies jugées plus stables, accentuant la fragilité française.

Les taux d’emprunt à dix ans, proches de 3,50 %, rejoignent désormais les niveaux italiens, bien au-dessus de ceux de l’Espagne ou du Portugal. Ce signe inquiétant indique que la dette française est perçue comme risquée, malgré la taille et la puissance économique du pays.

Un avenir budgétaire préoccupant

Les perspectives pour 2026 sont alarmantes : la France pourrait devenir le plus mauvais élève de l’Union européenne en matière de déficit, dépassant même la Roumanie. Les promesses de ramener le déficit sous les 3 % semblent hors d’atteinte, ce qui mine encore la crédibilité du gouvernement.

Près de 56 % de la dette française appartient à des investisseurs étrangers. Cette dépendance fragilise la souveraineté économique, car la France est exposée aux humeurs des marchés internationaux. La moindre instabilité politique se traduit immédiatement par une prime de risque accrue.

En 2026, la France devra emprunter 310 milliards d’euros, presque autant que l’Allemagne. Mais tandis que Berlin attire les investisseurs grâce à sa réputation de rigueur, Paris inspire méfiance. Cette différence de perception accentue le déclassement français sur la scène financière.

Le spectre d’un déclassement économique

Une hausse durable des taux d’intérêt plomberait la charge de la dette et rendrait impossible toute réduction du déficit. Cette spirale pourrait étouffer la capacité d’action des gouvernements successifs, piégeant la France dans une dépendance financière croissante.

La plupart des économistes ne croient pas à une explosion soudaine de la dette française. Mais le danger est plus insidieux : celui d’un lent déclin, marqué par des taux plus élevés que chez les voisins européens et une perte de compétitivité durable.

Quel que soit le gouvernement en place, l’horizon sera étroit. Les marges de manœuvre budgétaires disparaissent, laissant peu de place aux investissements d’avenir. La France risque ainsi de voir son destin dicté non par ses choix politiques, mais par la pression constante des marchés.



Cybersécurité : un enjeu vital pour l’économie des entreprises

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Les cyberattaques se multiplient et fragilisent les organisations. La cybersécurité n’est plus un simple poste technique : elle est devenue un levier stratégique, conditionnant la compétitivité et la survie des entreprises.

Une menace qui coûte cher

Chaque année, les cyberattaques coûtent des milliards d’euros à l’économie mondiale. En France, une entreprise sur deux déclare avoir déjà subi une intrusion ou une tentative d’attaque. Les conséquences sont multiples : paralysie des systèmes informatiques, pertes de données sensibles, interruption de la production, sans compter les frais de remise en état et les rançons parfois exigées par les hackers.

Au-delà des coûts directs, l’impact peut être désastreux sur le long terme. Une attaque réussie peut entacher la réputation d’une entreprise, briser la confiance des clients et entraîner une chute brutale du chiffre d’affaires. Certaines PME, incapables de se relever après un piratage, doivent même mettre la clé sous la porte.

Un facteur de compétitivité

La cybersécurité ne doit plus être perçue comme une contrainte, mais comme un investissement stratégique. Les entreprises qui anticipent les risques et mettent en place des systèmes robustes protègent non seulement leurs actifs numériques, mais aussi leur valeur économique.

Un environnement numérique sécurisé facilite les échanges commerciaux, renforce la confiance des partenaires et attire les investisseurs. À l’inverse, une entreprise jugée vulnérable peut voir ses opportunités de croissance freinées. Dans un monde où la donnée est devenue un capital aussi précieux que les biens matériels, la sécurité numérique conditionne directement la compétitivité.

Une responsabilité qui engage toute l’organisation

Longtemps cantonnée aux services informatiques, la cybersécurité concerne aujourd’hui l’ensemble des collaborateurs. Une simple erreur humaine – un clic sur un mail frauduleux, un mot de passe trop faible – peut suffire à ouvrir une brèche. La sensibilisation et la formation sont donc cruciales.

Les dirigeants doivent aussi être en première ligne. Intégrer la cybersécurité dans la stratégie d’entreprise, définir des plans de réponse aux incidents et investir dans des solutions adaptées ne relèvent plus du luxe, mais de la gouvernance responsable.

Un enjeu macroéconomique

Au-delà des entreprises individuelles, la cybersécurité impacte l’économie nationale et internationale. Les cyberattaques contre des infrastructures critiques – réseaux d’énergie, hôpitaux, transports – peuvent paralyser des secteurs entiers et fragiliser la stabilité d’un pays. La protection des entreprises devient donc aussi un enjeu de souveraineté économique.

Les États encouragent désormais les investissements privés en cybersécurité, via des réglementations renforcées, des obligations de conformité et parfois des aides. Mais l’essentiel repose encore sur la capacité des entreprises à prendre conscience que la sécurité numérique n’est pas un coût, mais un investissement indispensable.

La cybersécurité, assurance vie des entreprises

Dans une économie mondialisée et digitalisée, aucune organisation n’est à l’abri. Start-up, PME ou grands groupes : toutes doivent intégrer la cybersécurité comme une priorité. C’est à ce prix qu’elles pourront garantir la continuité de leur activité, protéger leur capital immatériel et préserver leur compétitivité.

La cybersécurité n’est plus seulement un enjeu technique : c’est une véritable assurance vie pour les entreprises et, à travers elles, pour l’économie toute entière.

Ryanair coupe des lignes en France face à la nouvelle taxe

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La low-cost irlandaise va quitter trois aéroports régionaux et menace d’aller plus loin, dénonçant une taxe écologique de 5 euros par billet.
Une décision brutale aux répercussions régionales

Depuis deux semaines, la compagnie a annoncé qu’elle ne desservira plus Bergerac, Brive et Strasbourg. Ces retraits représentent à eux seuls 13 % de la capacité totale de Ryanair en France. Michael O’Leary, PDG connu pour ses coups d’éclat médiatiques, a même laissé entendre, dans un entretien au Parisien, qu’il pourrait réduire davantage encore la présence du groupe dans l’Hexagone. S’il a le sens de la provocation, ses décisions reposent aussi sur un calcul strictement économique.

Avec un prix moyen de billet autour de 40 euros — contre 150 euros pour des compagnies classiques comme Air France ou Lufthansa — Ryanair vit sur des marges extrêmement fines. L’ajout d’une taxe écologique de 5 euros par billet bouleverse cet équilibre : impossible, selon la direction, de répercuter ce surcoût sans entamer l’attractivité tarifaire qui fonde le succès du low-cost. Dès lors, les lignes les moins rentables deviennent des candidates naturelles à la fermeture.

Au-delà de la fiscalité française, Ryanair doit composer avec un déficit de flotte. Le groupe attend des livraisons de Boeing, retardées par les difficultés industrielles de l’avionneur américain. En attendant, la compagnie réalloue ses appareils aux lignes jugées les plus profitables, au détriment des dessertes régionales françaises, cinquième marché européen seulement pour Ryanair.

Une taxe verte qui interroge son efficacité

Officiellement, la nouvelle taxe de 5 euros a pour vocation d’inciter les voyageurs à privilégier des modes de transport moins polluants, notamment le train. Selon l’Ademe, un Paris-Barcelone émet 70 fois plus de gaz à effet de serre en avion qu’en rail. L’idée est donc de créer un signal-prix pour réduire la demande sur les vols courts.

Pour Arnaud Aymé, spécialiste du secteur aérien, la taxe aura peu d’effet sur les grands hubs comme Paris ou Nice, mais risque de fragiliser fortement les petites plateformes. Les avions retirés des lignes régionales françaises ne resteront pas cloués au sol : ils seront déployés ailleurs, dans des pays plus accueillants fiscalement. De fait, l’impact environnemental global pourrait être nul, voire négatif, si ces avions opèrent sur des distances plus longues.

Problème supplémentaire : ces 5 euros n’iront ni à la transition écologique du transport aérien, ni au financement du rail. Leur affectation actuelle sert uniquement à réduire le déficit budgétaire. Pour les défenseurs d’une fiscalité verte efficace, ce choix neutralise l’effet incitatif de la mesure et alimente le scepticisme des acteurs économiques comme du grand public.

Vers un effet domino sur l’aérien régional

Si Ryanair donne le ton, d’autres compagnies pourraient suivre. Les transporteurs opérant sur des bases régionales et aux marges limitées pourraient juger que l’environnement fiscal français n’est plus compétitif, entraînant un désengagement progressif des low-cost en dehors des grandes métropoles.

La fermeture de lignes entraîne mécaniquement une perte de trafic passagers, avec un impact direct sur les emplois aéroportuaires et les revenus des commerces locaux. L’Union des aéroports français a déjà exprimé ses inquiétudes, soulignant que ces suppressions pourraient freiner le développement économique de régions dépendantes du tourisme aérien.

La mesure fiscale, conçue comme un outil de transition, s’invite désormais dans le débat sur l’aménagement du territoire et la compétitivité du transport aérien français. Entre impératifs écologiques, contraintes budgétaires et réalités économiques des compagnies, la France pourrait se retrouver face à un dilemme : maintenir ses ambitions vertes ou préserver l’accessibilité de ses régions.



Khartoum accuse Abou Dhabi de financer des mercenaires

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Le gouvernement soudanais affirme que les Émirats arabes unis recrutent des mercenaires étrangers pour soutenir les Forces de soutien rapide, en guerre contre l’armée nationale.
Des accusations lourdes au cœur du conflit soudanais

Dans un communiqué diffusé lundi 4 août, le gouvernement soudanais a accusé les Émirats arabes unis de financer des mercenaires étrangers, notamment colombiens, afin de renforcer les rangs des Forces de soutien rapide (RSF), engagées depuis avril 2023 dans une guerre meurtrière contre l’armée régulière. Le ministère des Affaires étrangères affirme disposer de « preuves irréfutables » sur le recrutement de ces combattants, sans toutefois avancer de noms ou de documents à l’appui.

Le communiqué évoque un « phénomène sans précédent » impliquant plusieurs centaines de milliers de mercenaires, recrutés dans toute l’Afrique. Pour Khartoum, ce soutien indirect aux RSF représente une « menace grave pour la paix et la sécurité » non seulement au Soudan, mais dans toute la région. L’ampleur supposée de ces recrutements soulève de vives inquiétudes sur l’internationalisation du conflit et l’implication d’acteurs extérieurs dans l’enlisement de la guerre.

Les autorités soudanaises avaient déjà pointé du doigt Abou Dhabi dans le passé, l’accusant de fournir des armes aux paramilitaires. En novembre, Amnesty International publiait un rapport révélant la présence de véhicules blindés d’origine émiratie, équipés de systèmes français, sur les lignes des RSF. Une accusation que les Émirats avaient rejetée, dénonçant une « campagne de désinformation ». L’escalade verbale entre les deux pays franchit désormais un nouveau cap.

Une riposte ferme des Émirats face à des « allégations infondées »

Le ministère émirati des Affaires étrangères a catégoriquement rejeté les accusations soudanaises. Dans une déclaration transmise à l’agence Associated Press, les Émirats dénoncent des « allégations infondées » visant, selon eux, à détourner l’attention des responsabilités propres aux autorités de Khartoum. Abou Dhabi affirme rester engagé en faveur du processus de paix et accuse le gouvernement soudanais de chercher à saboter les efforts diplomatiques régionaux.

Déjà mis en cause dans d’autres conflits régionaux, notamment au Yémen ou en Libye, les Émirats arabes unis cherchent à éviter toute nouvelle stigmatisation sur la scène internationale. Ce démenti rapide et formel s’inscrit dans une stratégie de défense diplomatique : préserver leur rôle d’acteur économique et politique majeur dans la région, tout en niant toute forme de soutien militaire aux factions engagées dans le conflit soudanais.

Les relations entre Abou Dhabi et Khartoum se sont considérablement détériorées depuis le début de la guerre civile en avril 2023. Chaque épisode d’escalade, chaque accusation, contribue à éloigner les perspectives de médiation régionale. Si les canaux diplomatiques restent ouverts, la méfiance mutuelle et la surenchère médiatique rendent désormais toute reprise des pourparlers de paix de plus en plus hypothétique.

Une guerre civile meurtrière aux conséquences dramatiques

Le conflit entre l’armée soudanaise et les RSF a déjà fait plus de 40 000 morts. Près de 12 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays ou au-delà des frontières, faisant du Soudan l’un des théâtres de crise humanitaire les plus graves au monde. Les infrastructures civiles sont détruites, les services de base anéantis, et des millions de personnes se retrouvent aujourd’hui menacées par la famine.

Les deux camps sont accusés de crimes de guerre. Les organisations internationales documentent des violences sexuelles systématiques, des exécutions sommaires et des opérations de nettoyage ethnique dans plusieurs régions du pays. Le chaos militaire alimente une impunité généralisée, dans un pays désormais fragmenté, où l’État peine à exercer la moindre forme d’autorité légitime sur de vastes territoires.

L’implication présumée de puissances étrangères – qu’il s’agisse de livraisons d’armes ou de recrutement de mercenaires – accentue le risque de régionalisation du conflit. En agitant la menace d’un front africain dominé par des acteurs non étatiques instrumentalisés par des États tiers, Khartoum cherche à alerter la communauté internationale. Mais faute de mécanismes de pression efficaces, le Soudan s’enfonce dans une guerre durable, où les alliances souterraines semblent désormais aussi déterminantes que les affrontements sur le terrain.



Déficit public : sept ans de cadeaux fiscaux aux puissants

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Suppression de l’ISF, aides massives aux entreprises, explosion du recours aux cabinets privés : où est passé l’argent public depuis 2017 ?

Une fiscalité sabordée : les recettes sacrifiées sans contrepartie

Dès son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron a entrepris une série de réformes fiscales qui ont considérablement allégé la pression sur les ménages les plus fortunés. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), remplacé par un impôt limité à l’immobilier (IFI), a fait perdre environ 4 milliards d’euros par an à l’État. S’y est ajoutée la « flat tax » à 30 %, un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. Résultat : selon Bercy, les cent foyers les plus riches ont empoché 1,5 million d’euros de gains annuels chacun. France Stratégie, organisme gouvernemental, conclut que l’effet économique de ces mesures est nul : ni croissance, ni investissement, ni emploi supplémentaire. Il ne s’agissait donc pas de réorienter l’épargne, mais bien d’alléger l’impôt des plus fortunés.

Ces mesures, censées encourager les investissements productifs, n’ont généré aucun effet macroéconomique notable. Ni les flux d’investissement, ni la croissance, ni l’emploi ne se sont redressés. Pire : elles ont entériné une logique de transfert de richesse vers les possédants. Le discours gouvernemental vantant le « ruissellement » s’est effondré devant les rapports de France Stratégie ou de l’IPP, qui attestent de l’inefficacité patente de ces baisses d’impôts.

Le plus grave n’est pas tant le creusement de la dette publique – qui peut être conjoncturellement justifié – mais l’usage qui en a été fait. Car les 40 à 50 milliards d’euros à trouver en urgence aujourd’hui, selon le ministre de l’Économie Eric Lombard, ne correspondent pas à des investissements dans les infrastructures, la santé ou l’école. Ils financent, en réalité, une accumulation de mesures inefficaces, voire régressives, qui ont massivement profité aux ménages les plus aisés.

Les aides aux entreprises : 200 milliards dilapidés sans effet

Macron n’a pas inventé l’allègement des charges : il a simplement porté à son comble le processus initié par François Hollande avec le Pacte de responsabilité. La suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la transformation du CICE en exonérations pérennes de cotisations patronales, ou encore les multiples crédits d’impôt comme le CIR ont constitué un transfert massif de ressources publiques. Chaque année, ce sont plus de 200 milliards d’euros d’aides qui sont versés aux entreprises – soit plus que le budget de l’Éducation nationale.

Les études successives de l’Institut des politiques publiques (IPP) et de l’IRES l’affirment : ces aides n’ont eu aucun impact mesurable sur l’emploi, l’investissement ou la valeur ajoutée. Le CICE, en particulier, n’a pas incité les entreprises bénéficiaires à embaucher davantage. En réalité, les marges reconstituées ont essentiellement été redistribuées sous forme de dividendes – au profit quasi exclusif des 1 % de foyers fiscaux les plus riches.

Derrière l’explosion du nombre d’apprentis – passé d’environ 300 000 à plus d’un million en six ans – se cache une logique d’aubaine. Chaque contrat donne lieu à une aide publique de 6 000 euros. Pour les entreprises, embaucher un apprenti mineur ne coûte rien la première année. Les abus sont nombreux : absence de tuteurs, formations défaillantes, faible encadrement. L’OFCE parle aujourd’hui d’une « bulle de l’apprentissage » : 200 000 à 250 000 emplois artificiels auraient été créés à la place de CDD ou CDI traditionnels. Coût de la manœuvre en 2024 ? Environ 25 milliards d’euros.

Cabinets privés, privilèges fiscaux et insubordination oligarchique

En 2022, une commission d’enquête du Sénat révèle que l’État a dépensé plus d’un milliard d’euros en prestations de cabinets de conseil privés. McKinsey, Boston Consulting Group, et d’autres ont été chargés de rédiger des rapports sans valeur ajoutée, voire inutilisés. Une étude sur le métier d’enseignant facturée 496 800 €, une convention de managers annulée mais facturée 558 900 € : les exemples foisonnent. Ce recours massif à des consultants externes, souvent en doublon de compétences existantes dans l’administration, illustre un État qui se vide de ses fonctions tout en enrichissant ses partenaires privés.

En réponse aux Gilets jaunes, Emmanuel Macron a préféré augmenter la prime d’activité plutôt que le SMIC. Résultat : 10 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles pour suppléer l’insuffisance salariale des entreprises. Une fois de plus, c’est le contribuable qui paie à la place des employeurs, sans exigence de revalorisation salariale ou de contribution plus équitable du capital.

En 2025, une timide tentative de surtaxer les bénéfices des grandes entreprises pour deux ans – dans un budget porté par Michel Barnier – est écourtée à une seule année, après une intervention directe de Bernard Arnault. Montant « épargné » : 4 milliards d’euros. Dans le même temps, l’État affirme avoir besoin de 40 milliards de coupes budgétaires. Le message est clair : il est interdit de toucher aux profits des puissants. Et pourtant, la dette publique est brandie comme un fardeau collectif, alors même que son origine est claire : une politique fiscale et budgétaire exclusivement orientée vers la rente.



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