La consommation d’alcool et de drogues au travail a bondi de 107% depuis 2017

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Entre 2017 et 2025, la consommation d’alcool et de drogues sur les lieux de travail en France a plus que doublé. C’est ce que révèle une étude inédite publiée le 12 juin par iThylo, marque de l’entreprise Aperli, et dévoilée par franceinfo. Baptisé « Révéler ce qui ne se voit pas », le rapport met en lumière une dérive préoccupante : une augmentation de 107 % des cas positifs détectés sur les lieux de travail en huit ans, avec une progression spectaculaire de la consommation de cocaïne.

La cocaïne s’invite dans les ateliers et sur les chantiers

Longtemps perçue comme une drogue réservée à certains milieux festifs ou à des cadres urbains, la cocaïne s’est aujourd’hui diffusée dans des univers bien différents : entrepôts logistiques, ateliers, chantiers. En 2025, les cas positifs à cette drogue se sont multipliés par 13 par rapport à 2017, selon les données recueillies par iThylo lors de tests salivaires anonymes réalisés sur des milliers de salariés.

Jean-Jacques Cado, président et cofondateur de l’entreprise, observe une évolution frappante : « Là où il était extrêmement rare de dépister une personne positive à la cocaïne, on voit aujourd’hui des cas groupés dans certaines équipes ». Il cite un exemple marquant : sur un seul site industriel, huit personnes sur vingt-quatre dépistées étaient positives à cette substance.

Si la cocaïne fait une percée spectaculaire, le cannabis reste la substance la plus fréquemment retrouvée lors des tests, avec 1,8 % de taux de positivité en 2025.

Un phénomène aggravé par la précarité et l’isolement

L’étude met en évidence une vulnérabilité accrue chez les travailleurs précaires, en particulier les intérimaires. Bien qu’ils ne représentent que 15 % de l’échantillon total, ils concentrent à eux seuls 25 % des cas positifs au cannabis, 31 % à la cocaïne et 18 % à l’alcool.

Des facteurs structurels expliquent cette surreprésentation : horaires atypiques, conditions de logement souvent précaires, faible intégration au collectif de travail, isolement social et accès limité à l’information et à la prévention. Autant d’éléments qui favorisent le glissement vers des consommations addictives banalisées.

Jean-Claude Delgennes, expert en santé au travail et auteur d’un ouvrage consacré aux addictions en entreprise, confirme cette tendance : « Il ne s’agit pas uniquement de consommateurs réguliers. Certains sont simplement exposés à un environnement professionnel dans lequel l’usage de drogues devient culturellement accepté, voire intégré au quotidien. »

L’alcool, un usage rythmé par les horaires de travail

L’étude souligne également des usages d’alcool spécifiques à certains rythmes de travail. Les consommations s’intensifient notamment en fin de journée et le vendredi, avec des taux de positivité parfois deux fois supérieurs à la moyenne, particulièrement chez les salariés effectuant des horaires décalés ou nocturnes.

Cette tendance s’est fortement accentuée depuis la pandémie de Covid-19. Alors que les taux restaient relativement stables entre 2017 et 2021, les trois années suivantes ont marqué un tournant net. Entre 2022 et 2024, les cas positifs ont bondi de 43 % pour l’alcool et de 52 % pour l’ensemble des stupéfiants. Une « rupture claire avec la période pré-Covid », selon les auteurs du rapport.

Une banalisation inquiétante, un angle mort des politiques de prévention

L’un des constats majeurs de cette étude est la normalisation silencieuse de la consommation de substances psychoactives en entreprise. « Ce phénomène s’ancre dans les failles structurelles du monde du travail », alerte iThylo, pointant les limites des politiques de prévention actuelles, souvent centrées sur les cadres ou les postes à responsabilité, et ignorant la réalité du terrain chez les travailleurs les plus exposés.

La marque appelle à un changement de paradigme : une prévention plus inclusive, plus réaliste et mieux adaptée aux besoins du terrain. Pour cela, iThylo plaide pour des interventions portées par des professionnels légitimes, une prise en compte de tous les statuts – y compris les intérimaires – et la mise en place de dispositifs d’écoute durables.

Un enjeu de santé publique et de sécurité au travail

Au-delà de la question sanitaire, cette montée en flèche des consommations d’alcool et de drogues en milieu professionnel pose un véritable problème de sécurité, notamment dans les secteurs à risque comme le BTP, la logistique ou l’industrie.

Alors que les usages évoluent, souvent dans l’ombre, les entreprises, les pouvoirs publics et les acteurs de la prévention sont appelés à réagir face à un phénomène aussi massif que méconnu. Car ce qui se joue, c’est autant la santé des salariés que la sécurité de tous.

L’État reprend la main sur les supercalculateurs d’Atos

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Face aux difficultés d’Atos, le gouvernement propose de racheter ses activités stratégiques de calcul avancé pour garantir la souveraineté technologique de la France.
Protéger une technologie critique : le choix d’un État stratège

Les supercalculateurs ne font jamais la une des journaux et n’apparaissent dans aucune campagne électorale. Pourtant, ces machines de calcul extrême, capables d’effectuer des milliards d’opérations à la seconde, sont le socle invisible de la puissance technologique d’un État. Dans le cas de la France, ils jouent un rôle fondamental dans la simulation nucléaire, la recherche climatique, les projets de santé de précision ou encore le développement de l’intelligence artificielle. Leur maîtrise ne relève pas de l’innovation de confort, mais bien d’un attribut de souveraineté. À l’heure où les puissances mondiales — États-Unis, Chine, Inde — investissent massivement dans ce domaine, la France ne peut se permettre de perdre la main.

Ancien fleuron technologique français, Atos est aujourd’hui en grande difficulté. Endetté à hauteur de plus de 2 milliards d’euros, affaibli par des décisions stratégiques contestées, le groupe cherche à se désendetter en cédant des actifs. Or, parmi les divisions mises en vente figurent des briques critiques : calcul haute performance, informatique quantique, IA appliquée… Autrement dit, des savoir-faire qui intéressent des concurrents ou fonds étrangers. En intervenant rapidement, l’État évite un démantèlement technologique qui aurait pu aboutir à une perte de souveraineté dans des secteurs aussi stratégiques que la défense ou la cybersécurité.

Ce type d’intervention n’est pas inédit. L’État français a déjà, par le passé, injecté du capital pour préserver des actifs industriels jugés vitaux : Alstom en 2004, STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique), Technip… Ces actions visent moins à nationaliser durablement qu’à temporiser et stabiliser des situations de crise. En ce sens, l’offre ferme adressée à Atos — pour un montant de 410 millions d’euros — s’inscrit dans cette doctrine du “capitalisme d’intérêt général” où la main de l’État garantit la continuité d’activités jugées non substituables.

Une opération de rachat encadrée, conditionnée et ciblée

L’offre formulée par l’Agence des participations de l’État (APE) valorise les actifs visés à 410 millions d’euros, dont 110 millions sont conditionnés à l’atteinte d’objectifs de performance sur les exercices 2025 et 2026. Une somme notable, bien que sensiblement inférieure à la fourchette initialement estimée à l’automne 2024 (500 à 625 millions). Cette décote s’explique par l’exclusion de certaines activités comme Vision AI, mais reflète aussi la volonté de l’État d’imposer des conditions strictes, notamment en termes de maintien d’emplois, de transfert de propriété intellectuelle, et de localisation des centres de calcul en France.

La cession ne concerne pas l’ensemble d’Atos, mais uniquement ses activités dites de « calcul avancé » : le HPC (High Performance Computing), l’informatique quantique, le business computing, et les solutions IA pour la défense. Ces activités regroupent environ 2 500 salariés, répartis principalement en France, mais aussi en Allemagne et au Royaume-Uni. En 2025, leur chiffre d’affaires prévisionnel est estimé à 800 millions d’euros. Ces divisions sont aussi celles qui entretiennent des contrats sensibles avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), la Direction générale de l’armement (DGA), et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Le processus de rachat suit un calendrier serré mais structuré. Après consultation des instances représentatives du personnel d’Atos et autorisation des autorités européennes de la concurrence, la signature de l’accord engageant est attendue à l’automne 2025. La finalisation opérationnelle interviendra au premier semestre 2026, ce qui laisse le temps à l’État de monter une structure de gouvernance transitoire pour ces actifs. À terme, un adossement à une autre entreprise publique (Thales, CEA Tech, voire Airbus Defence & Space) n’est pas exclu.

Une manœuvre aux conséquences industrielles et géopolitiques

Le produit de la vente offre à Atos une bouffée d’oxygène pour rembourser une partie de sa dette et recentrer son modèle économique. La firme devrait désormais se recentrer sur ses services numériques (cloud, conseil, cybersécurité civile). Mais le groupe reste fragilisé. Le départ de ses actifs stratégiques l’ampute d’une partie de son prestige technologique. Il lui faudra prouver qu’il peut survivre en tant qu’ESN (entreprise de services numériques) dans un marché hautement concurrentiel. La confiance des actionnaires reste ébranlée, et la direction générale devra stabiliser rapidement son périmètre pour éviter une nouvelle crise.

Ce rachat symbolise un changement de paradigme. Depuis les années 1990, l’État s’était progressivement retiré de la gouvernance industrielle directe, préférant la régulation à l’intervention. Ce geste envers Atos marque un tournant : face aux tensions géopolitiques, à l’inflation des dépendances numériques (notamment vis-à-vis des clouds américains), et à la guerre économique globale, l’État réaffirme sa mission protectrice. Ce retour assumé de l’intervention publique dans les technologies critiques pourrait se généraliser à d’autres domaines : batteries, semi-conducteurs, IA générative.

Enfin, cette reprise est un message adressé aux partenaires européens : il n’est plus question de vendre à la découpe les infrastructures technologiques clés de l’UE. Elle pourrait inspirer d’autres pays confrontés à la fragilité de leurs champions nationaux. La France, déjà moteur dans les projets européens de cloud souverain (GAIA-X, Numspot), ambitionne d’incarner un modèle de vigilance stratégique dans l’économie de la donnée. La reprise des supercalculateurs d’Atos n’est donc pas une simple opération de sauvetage : elle s’inscrit dans une doctrine de défense technologique active à l’échelle continentale.



Casino s’exporte : 210 magasins prévus au Maroc d’ici 2035

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Le groupe français Casino, en difficulté sur le marché national, engage une vaste offensive commerciale au Maroc, misant sur la franchise et la proximité urbaine.

Un partenariat stratégique pour reconquérir l’international

Le groupe Casino a officialisé, lundi 27 mai, un partenariat avec le conglomérat marocain H&S Invest Holding, dirigé par l’ex-ministre Moncef Belkhayat. Cette entente prévoit l’ouverture de 210 magasins sous enseignes Franprix et Monoprix d’ici 2035 sur l’ensemble du territoire marocain. Il s’agit pour Casino d’un retour offensif à l’international, après plusieurs années de recul en Amérique latine et de cessions d’actifs en France. Le contrat prend la forme d’une master franchise exclusive, une formule qui permet au groupe de conserver la maîtrise de son image tout en déléguant l’opérationnel.

Ce choix de l’internationalisation par la franchise n’est pas un hasard. Casino, qui a vendu récemment plusieurs actifs en France pour se désendetter, trouve dans ce modèle un levier de croissance à moindre coût. Le développement à l’étranger repose sur des partenaires solides, capables d’investir massivement tout en respectant les standards du groupe. Monoprix et Franprix, marques reconnues pour leur offre de proximité urbaine, sont jugées particulièrement adaptées aux grandes villes marocaines, où la classe moyenne urbaine est en forte expansion.

Le marché marocain de la distribution est en mutation rapide. Si Marjane et Carrefour y sont bien implantés, l’offre de commerce de proximité moderne reste limitée. C’est sur ce créneau que Casino entend se positionner, en proposant des formats compacts, urbains, qualitatifs et digitalisés. Cette offensive vise aussi à contrer la montée en puissance d’acteurs locaux, de plus en plus compétitifs, tout en capitalisant sur l’image premium de ses enseignes. L’implantation du premier magasin est prévue pour 2026, signe que l’opération est déjà bien engagée.

Monoprix et Franprix : un concept pensé pour le consommateur marocain

Les enseignes Monoprix et Franprix, développées depuis des décennies en France, reposent sur un modèle hybride de grande distribution et de commerce de proximité. Produits frais, snacking, restauration, services (pressing, livraison, etc.), ces magasins se veulent des lieux de vie autant que des points de vente. L’adaptation au marché marocain reposera sur la capacité à intégrer les attentes spécifiques d’un public urbain, jeune, mobile, tout en préservant les codes qui font le succès de ces enseignes en France.

Casino et H&S Invest Holding souhaitent positionner les enseignes comme des références en matière de qualité des produits, de traçabilité et d’offre équilibrée entre références françaises et productions locales. L’accent sera mis sur les produits frais, les circuits courts quand cela est possible, et une logique de différenciation par la gamme plutôt que par le prix. L’objectif est clair : séduire une clientèle exigeante, prête à payer un peu plus pour une expérience d’achat plus fluide et rassurante.

Les futurs magasins intégreront des services innovants déjà en test ou déployés en France : caisses automatiques, click and collect, livraison rapide, applications mobiles avec programmes de fidélité intégrés, etc. Cette dimension technologique constitue un atout clé dans un marché marocain où la jeunesse urbaine est ultra-connectée. Casino ambitionne ainsi d’importer non seulement un savoir-faire logistique, mais aussi une culture de service où le digital prolonge l’expérience physique, en magasin comme à domicile.

Un projet économique structurant pour le Maroc

L’installation de 210 magasins sur une décennie représente un investissement logistique massif, avec des effets d’entraînement sur l’immobilier, les transports, et les réseaux de fournisseurs locaux. H&S Invest Holding a annoncé la création de plus de 1 000 emplois directs et indirects, répartis sur l’ensemble du Royaume. Le maillage territorial du projet promet de stimuler le commerce local, y compris dans des zones aujourd’hui peu desservies par la distribution moderne.

Ce projet s’inscrit dans la continuité des relations économiques fortes entre la France et le Maroc. Casino et H&S Invest entendent faire de ce programme une vitrine de coopération bilatérale, à l’heure où les tensions diplomatiques passées laissent place à un climat de relance économique. En s’alliant à un acteur local de poids, le groupe français évite l’écueil du projet perçu comme néocolonial. L’approche est partenariale, avec une gouvernance partagée et une ambition clairement affichée de créer de la valeur localement.

L’arrivée de Monoprix et Franprix devrait contribuer à faire évoluer les standards du commerce marocain, en introduisant de nouvelles exigences en matière de service, d’esthétique, de parcours client. Si le modèle rencontre son public, il pourrait inciter d’autres enseignes françaises ou européennes à envisager des implantations similaires. À terme, cette dynamique pourrait reconfigurer le paysage de la grande distribution au Maroc, en accélérant sa professionnalisation, sa digitalisation, et sa segmentation haut de gamme.



À Versailles, Macron joue la carte du « Choose France »

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Le président reçoit 200 patrons internationaux au château de Versailles pour promouvoir l’attractivité de la France et engranger des milliards d’euros d’investissements.

Un rendez-vous devenu incontournable pour séduire les grands investisseurs

C’est dans le faste du château de Versailles, haut lieu du pouvoir symbolique, qu’Emmanuel Macron a une nouvelle fois accueilli les dirigeants des plus grandes entreprises mondiales. Le 8e sommet « Choose France », organisé lundi 13 mai 2025, a réuni près de 200 chefs d’entreprise issus de tous les continents. Parmi eux, des figures de poids comme Larry Fink (BlackRock), Martin Lundstedt (Volvo), ou encore le président de Coca-Cola Europe. En installant cet événement dans ce cadre aussi prestigieux que politique, Emmanuel Macron entend réaffirmer que la France est ouverte, accueillante et compétitive sur le terrain de l’investissement international.

L’objectif de l’exécutif était clair : battre le record d’annonces d’investissements, établi à 13 milliards d’euros en 2023. Il semble atteint. Selon les premières estimations, ce sont plus de 20 milliards d’euros qui ont été promis, dans des secteurs aussi variés que les infrastructures logistiques, l’industrie pharmaceutique, les technologies numériques et les énergies renouvelables. L’exemple le plus emblématique est celui de Prologis, géant américain de l’immobilier logistique, qui prévoit à lui seul d’investir 6,4 milliards d’euros en France, avec la construction de 750 000 m² d’entrepôts d’ici 2028, et la création de plusieurs milliers d’emplois.

Pour accompagner cette édition, Emmanuel Macron a repris avec ironie une expression qui avait fait scandale en 2018 : « un pognon de dingue ». Cette fois-ci, la formule devient un slogan positif. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le président s’affiche détendu, en tee-shirt, enchaînant les annonces avec un ton volontiers direct. Une manière assumée de reprendre la main sur la communication, de désamorcer les critiques passées, et de mettre en scène une France attractive, conquérante et moderne.

Une politique de l’attractivité assumée comme priorité économique

Pour attirer ces investissements, Emmanuel Macron et ses ministres n’ont cessé de vanter les réformes entreprises depuis 2017. Réduction de la fiscalité sur les entreprises, assouplissement du droit du travail, simplification administrative : autant de mesures que les investisseurs étrangers perçoivent comme des signaux positifs. Le président se félicite d’avoir fait de la France, selon plusieurs classements européens, la première destination pour les investissements directs étrangers (IDE) sur le Vieux Continent pour la quatrième année consécutive.

L’essentiel des investissements annoncés concerne des domaines jugés stratégiques par l’exécutif : data centers, logistique verte, industrie pharmaceutique, intelligence artificielle et transition énergétique. Cette orientation répond à une double logique : d’une part, faire de la France un acteur central de la réindustrialisation verte en Europe ; d’autre part, renforcer l’autonomie technologique du pays dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Le gouvernement espère ainsi enclencher un effet de levier dans les territoires, en stimulant la recherche, la formation et l’emploi autour de ces filières.

En complément des annonces économiques, le sommet Choose France est devenu une vitrine diplomatique et médiatique. Chaque année, le château de Versailles se transforme en outil d’influence où les grandes entreprises sont valorisées, les dirigeants écoutés, et les projets exposés en détail. L’exécutif mise sur cet effet d’image, couplé à une narration continue sur les réseaux sociaux, pour convaincre autant les partenaires étrangers que l’opinion publique nationale de l’efficacité de sa politique économique.

Retombées, limites et critiques d’un exercice bien rodé

Parmi les retombées les plus concrètes, le gouvernement met en avant la création de plusieurs milliers d’emplois directs et indirects. Les projets annoncés doivent permettre une implantation sur tout le territoire, y compris dans des zones rurales ou périurbaines. L’investissement de Prologis, par exemple, se fera en grande partie en dehors de l’Île-de-France, contribuant ainsi à la revitalisation économique de plusieurs régions. Cette territorialisation est centrale dans le récit présidentiel, qui entend démontrer que l’attractivité économique bénéficie à tous les Français.

Attirer des entreprises étrangères, oui — mais pas à n’importe quel prix. C’est le pari de Macron : favoriser les implantations dans les secteurs d’avenir, de manière à renforcer la souveraineté nationale. L’accueil de nouveaux data centers, l’implantation de lignes de production de batteries ou encore le développement de laboratoires de biotechnologie visent à bâtir une économie plus résiliente face aux crises. Le président entend ainsi montrer que l’investissement étranger peut servir une stratégie d’intérêt général, loin des logiques purement financières des décennies passées.

Pour autant, les détracteurs du sommet Choose France rappellent que les montants promis ne se traduisent pas toujours en emplois concrets, ni en investissements pérennes. Certains projets tardent à se matérialiser, d’autres ne créent que des emplois très qualifiés, peu accessibles aux populations locales. Des économistes pointent aussi le risque de dépendance à des capitaux extérieurs et l’absence de conditionnalités sociales ou environnementales suffisantes. Enfin, les oppositions politiques dénoncent une mise en scène coûteuse au service d’un président « start-up nation » plus soucieux de l’image que de la réalité industrielle.



Philippe Brassac revendique la fierté fiscale du Crédit Agricole

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Alors que la pression monte sur les grandes entreprises sommées de justifier leur rôle dans le financement de la Nation, le Crédit Agricole revendique haut et fort sa place de premier contributeur fiscal en France. Son directeur général, Philippe Brassac, défend une conception exigeante de la responsabilité d’entreprise et réaffirme l’ancrage coopératif du groupe à l’heure où la défiance envers les grands acteurs économiques n’a jamais été aussi forte.
Être le premier contributeur fiscal : entre poids financier et devoir national

C’est avec un mélange de fierté et de gravité que Philippe Brassac affirme que le Crédit Agricole est le premier contributeur fiscal en France. Une déclaration forte, à contre-courant du silence habituel des grandes entreprises sur leur charge fiscale, souvent reléguée au rang des contraintes techniques. Pourtant, le fait est là : entre impôts sur les sociétés, taxes locales, charges sociales et autres prélèvements, le groupe mutualiste verse plusieurs milliards d’euros par an dans les caisses de l’État. Cette position de leader n’est pas anecdotique : elle place la banque dans une posture inédite d’acteur central du financement de la puissance publique, bien au-delà de son rôle traditionnel de financeur de l’économie réelle.

Alors que la question de l’évasion fiscale cristallise depuis plusieurs années les tensions entre multinationales et opinion publique, Philippe Brassac choisit de faire de la contribution fiscale un sujet de communication stratégique. Cette démarche tranche avec l’opacité d’autres grands groupes, souvent soupçonnés de jouer avec les montages internationaux pour échapper à l’impôt. En revendiquant sa place de premier payeur d’impôts, le Crédit Agricole prend le contre-pied d’un récit dominant : celui d’entreprises déconnectées de leur environnement national. Le message est clair : le groupe assume son rôle de partenaire de l’État, sans faux-semblants ni contournements.

Cette revendication s’inscrit dans une logique profondément cohérente avec l’ADN du Crédit Agricole. Contrairement aux banques cotées classiques, le groupe fonctionne selon un modèle coopératif, où les décisions sont prises au plus près des territoires, et où les profits sont majoritairement réinvestis dans l’activité. Se présenter comme le premier contributeur fiscal, c’est aussi réaffirmer cette singularité : une banque proche du terrain, solidaire, enracinée. Philippe Brassac le rappelle avec constance : le Crédit Agricole ne délocalise ni ses bénéfices, ni ses responsabilités. Il les assume pleinement, dans l’hexagone, au service d’un bien commun fiscalement nourri.

Une conception exigeante de la fiscalité comme acte républicain

Dans la bouche de Philippe Brassac, la fiscalité ne relève pas d’un calcul d’optimisation, mais d’un engagement de principe. « L’impôt est un acte citoyen », dit-il en substance, en assumant que ce devoir, souvent perçu comme une charge, peut être un levier de légitimité. Cette position est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit à rebours du discours dominant des dernières décennies, qui a souvent réduit l’impôt à un coût à maîtriser, voire à fuir. Pour le patron du Crédit Agricole, au contraire, contribuer à l’effort collectif, c’est renforcer le lien de confiance entre l’entreprise et la nation. Une entreprise prospère n’est pas simplement performante : elle est utile.

La fiscalité n’est pas abstraite dans l’esprit de Brassac. Elle prend corps dans les écoles, les hôpitaux, les infrastructures, les collectivités locales. Elle irrigue la République. Le Crédit Agricole, fort de ses 39 caisses régionales et de sa présence historique dans tous les territoires, en est un témoin privilégié. En défendant cette vision, son directeur général affirme aussi une lecture non technocratique de l’économie : une lecture incarnée, tangible, où l’impôt n’est pas le résultat d’un arbitrage mais d’une responsabilité assumée. Cette approche remet l’humain au centre de l’analyse fiscale, et donne au groupe une épaisseur politique certaine.

Si Philippe Brassac ne vise personne, son propos résonne comme un appel à ses pairs. Dans un moment où la crise démocratique s’accompagne d’un rejet croissant des élites économiques, montrer que l’on paie ses impôts — et que l’on en est fier — est un acte de clarification. Il ne s’agit plus seulement de se défendre, mais de réaffirmer une forme d’exemplarité. La déclaration du patron du Crédit Agricole sonne donc aussi comme un rappel à l’ordre à destination des grands groupes internationaux, parfois tentés de ruser avec le système fiscal français. Elle redessine les contours d’un capitalisme à la française, à la fois performant, ancré et responsable.

Gouvernance, transition, performance : le Crédit Agricole à la croisée des chemins

La force du Crédit Agricole, c’est d’avoir réussi à allier stabilité financière et mission d’intérêt général. En 2024, malgré un contexte économique tendu, la banque a affiché des résultats solides, fruit d’une gestion prudente et d’un ancrage durable. Sa rentabilité n’est pas portée par des paris spéculatifs, mais par le financement de l’économie réelle, des agriculteurs, des PME, des collectivités. C’est cette robustesse qui lui permet aussi d’assumer pleinement ses obligations fiscales, tout en poursuivant ses investissements dans la modernisation de ses services et dans l’accompagnement de la transition écologique.

Après dix années à la tête du groupe, Philippe Brassac prépare son départ, laissant les rênes à Olivier Gavalda. Ce passage de témoin s’opère dans un climat de confiance, où la ligne stratégique semble largement consensuelle. L’objectif est clair : maintenir la performance tout en renforçant l’engagement du groupe dans les grands enjeux contemporains — climat, inclusion, cohésion territoriale. La défense d’une fiscalité responsable apparaît alors comme un socle non négociable de cette continuité. Ce n’est pas une posture de communication : c’est un engagement structurel.

Le discours de Philippe Brassac dépasse le champ bancaire. En se positionnant comme acteur majeur du financement public, le Crédit Agricole entend être un rouage actif dans la transformation du pays. À l’heure où l’État cherche à mobiliser les grands groupes pour répondre aux défis écologiques, numériques et sociaux, cette posture lui confère un rôle stratégique. Être le premier contributeur fiscal ne suffit pas : encore faut-il orienter cette contribution vers les grands chantiers du futur. Et c’est bien cette ambition qu’esquisse Brassac : faire du Crédit Agricole un pilier à la fois économique, social et républicain de la France d’aujourd’hui et de demain.



Ransomware : un fléau coûteux qui pousse les entreprises françaises à supprimer des emplois

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Malgré des investissements croissants en cybersécurité, les entreprises françaises restent vulnérables face aux attaques par ransomware. La facture est lourde : interruption d’activité, pertes financières, atteinte à la réputation et, dans près de 4 cas sur 10, suppression de postes.

Les chiffres sont implacables et soulignent la persistance d’un phénomène aussi discret que ravageur. Une étude conjointe de la société Illumio, spécialisée en microsegmentation, et du Ponemon Institute, met en lumière les effets des cyberattaques par ransomware sur les entreprises françaises. Malgré une baisse relative du coût moyen de résolution des incidents — 146 685 dollars contre 168 000 deux ans plus tôt — les conséquences restent dramatiques pour les structures touchées.

Suspension d’activité et dommages en cascade

Près de 60 % des entreprises françaises interrogées ont dû suspendre leurs opérations à la suite d’une attaque par rançongiciel. Cette paralysie brutale ne s’explique pas uniquement par un défaut de préparation, comme le précise Damien Gbiorczyk, cadre chez Illumio : « Ce n’est pas une question d’anticipation, mais plutôt un déficit d’investissement dans des solutions capables de contenir l’attaque à un périmètre réduit. » En d’autres termes, une fois le logiciel malveillant lancé, il se propage trop facilement dans tout le système d’information, compromettant des ressources critiques.

Les répercussions s’étendent bien au-delà de la simple interruption technique. 48 % des sociétés déclarent une perte de chiffre d’affaires significative, et 39 % ont été contraintes de procéder à des licenciements pour faire face aux coûts induits. Ces effets de bord touchent aussi l’image des entreprises : près d’un tiers d’entre elles affirment que leur réputation a été ternie, et 38 % constatent une perte de clients.

Un coût humain et financier considérable

Les entreprises françaises consacrent en moyenne 32 % de leur budget informatique à la cybersécurité, en particulier à la prévention, à la détection et à la réponse aux incidents. Malgré cet effort, la réalité du terrain reste alarmante. Il faut en moyenne 2281 heures de travail pour réparer les dégâts causés par une attaque, soit l’équivalent de 17 employés mobilisés à temps plein sur plusieurs semaines.

Cette mobilisation intense démontre que les stratégies actuelles de défense, souvent centrées sur les sauvegardes régulières, sont encore insuffisantes. Plus de la moitié des entreprises interrogées estiment qu’un bon système de sauvegarde suffit à parer le danger. Une vision que Damien Gbiorczyk dénonce : « Le problème, c’est que dans la majorité des cas, l’attaquant est déjà implanté dans le système depuis des semaines, voire des mois. Si l’on restaure une sauvegarde compromise, le risque persiste. »

Un tabou persistant autour des déclarations d’incidents

Autre constat préoccupant : 81 % des entreprises françaises ayant subi une attaque par ransomware ne l’ont pas signalée aux autorités. Les raisons de ce silence sont multiples : crainte de représailles, pression temporelle pour verser une rançon, ou encore volonté de préserver leur réputation. Pourtant, la loi impose de notifier la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) dans les 72 heures lorsqu’il s’agit d’une fuite de données personnelles.

Cette sous-déclaration empêche une analyse globale des menaces et freine la coopération entre les entreprises et les autorités compétentes. Elle prive également les autres acteurs économiques de retours d’expérience cruciaux pour se prémunir contre des scénarios similaires.

Un sentiment de sécurité trompeur

En dépit de ces chiffres, plus de la moitié des entreprises sondées affichent une confiance certaine dans leur posture de sécurité. Ce paradoxe s’explique sans doute par une perception erronée des enjeux. Avec 92 % des structures françaises ayant déjà été confrontées à au moins une attaque par ransomware, le sentiment d’immunité relève davantage de l’illusion que de la réalité.

La leçon à tirer ? Une politique de sauvegarde, aussi rigoureuse soit-elle, ne peut à elle seule garantir la résilience face aux rançongiciels. Seules des mesures de confinement efficaces, une détection rapide des mouvements suspects dans le système et une meilleure collaboration avec les autorités peuvent permettre de réduire l’ampleur des dommages.

Vers une nouvelle culture de la cybersécurité

Face à la recrudescence de ces attaques, il devient urgent pour les entreprises françaises de réviser leur stratégie. Miser sur la microsegmentation, renforcer les plans de continuité d’activité, sensibiliser les équipes et établir des protocoles de réponse plus agiles sont des pistes prioritaires.

Mais au-delà des solutions techniques, c’est un changement culturel qui s’impose : considérer la cybersécurité non comme une option coûteuse mais comme un investissement stratégique, et surtout ne plus avoir peur de signaler les incidents. La transparence, aujourd’hui, pourrait bien devenir l’un des remparts les plus efficaces contre la propagation des rançongiciels.

La filière du réemploi des emballages, un gisement d’emplois pour 2040

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Portée par de nouvelles obligations légales et un engouement croissant pour le vrac, l’industrie du réemploi des emballages en verre et plastique s’apprête à créer 30 000 emplois d’ici 15 ans.

Une filière en plein essor portée par les enjeux environnementaux

Derrière le geste anodin de rapporter une bouteille en verre en magasin, se cache une véritable chaîne industrielle. Une fois récupérée, la bouteille passe entre les mains d’opérateurs de tri, est inspectée pour s’assurer de son intégrité, nettoyée selon des protocoles stricts, puis renvoyée aux fabricants pour être réemployée. À ces opérations s’ajoute la fabrication de machines spécialisées dans la déconsignation, ainsi que la gestion logistique et numérique du cycle de vie des contenants.

Aujourd’hui, la filière du réemploi représente environ 8000 emplois en France. Du préparateur de commande au logisticien, en passant par les ingénieurs en traçabilité des emballages, un écosystème solide s’est constitué. Cette dynamique est appelée à s’intensifier à mesure que le réemploi devient un pilier incontournable de la stratégie environnementale nationale, renforçant l’ancrage local de nombreux métiers.

Avec des ressources naturelles sous tension et une opinion publique sensibilisée aux déchets, la transition vers le réemploi offre une réponse concrète. Plus qu’une mode, elle constitue une mutation de fond qui répond autant aux impératifs écologiques qu’aux attentes économiques d’une croissance verte.

Un levier d’emplois considérable à l’horizon 2040

Selon deux études récentes, du cabinet Deloitte et de la Fondation Ellen MacArthur, la filière pourrait générer 30 000 emplois supplémentaires d’ici 2040. Deloitte anticipe 20 000 créations de postes liés au développement du réemploi du verre, tandis que l’extension aux emballages plastiques – lessives, shampoings – porterait ce chiffre à 30 000. Ces projections s’appuient sur l’application imminente d’obligations légales incitant à la vente de produits en vrac et au réemploi d’emballages.

À court terme, l’obligation pour les magasins de plus de 400 m² de proposer des produits en vrac jouera un rôle déterminant. Ce texte devrait stimuler les investissements industriels, multiplier les centres de collecte et créer des postes variés : maintenance, logistique, inspection qualité, développement de logiciels de suivi… Une vague d’embauches rendue nécessaire pour répondre à des volumes en forte croissance.

Dès juin, 750 magasins de la grande distribution du quart Nord-Ouest de la France proposeront des emballages consignés de grandes marques. L’objectif est ambitieux : passer de 13 millions à 50 millions d’emballages réemployés en un an et demi. Cette montée en puissance de l’offre est fondée sur l’idée que la demande suivra, une conviction que partage Célia Rennesson, directrice générale du Réseau Vrac et Réemploi.

Un nouveau modèle industriel qui transforme la grande distribution

La généralisation du réemploi nécessite une réorganisation logistique profonde. Il ne s’agit plus seulement d’acheminer des produits, mais aussi de récupérer les emballages usagés, de les nettoyer, puis de les réinjecter dans le cycle industriel. Ce modèle impose des chaînes d’approvisionnement plus circulaires, plus locales et donc plus résilientes, au service d’une consommation durable.

Le passage au réemploi à grande échelle exige des investissements conséquents : développement de machines adaptées, standardisation des contenants, mise en place de plateformes de tri et de nettoyage. De plus, l’industrie doit surmonter des défis culturels : convaincre consommateurs et distributeurs d’adopter massivement ce nouveau geste de consommation, en simplifiant au maximum l’expérience utilisateur.

L’initiative des grandes surfaces dès 2024 vise précisément à impulser ce changement. En augmentant rapidement l’offre d’emballages consignés, les industriels espèrent entraîner la demande dans leur sillage. Ce cercle vertueux, s’il se confirme, permettrait non seulement de réduire les déchets d’emballage, mais aussi de dynamiser l’emploi local tout en favorisant une production industrielle plus sobre et plus responsable.



Chocolat : les prix flambent, les achats chutent

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Le prix du cacao a doublé en quelques mois, faisant grimper le coût du chocolat et incitant les Français à revoir leurs priorités de consommation. Pour Jean Viard, sociologue, cette mutation traduit une société soumise à une inflation généralisée et à une reconfiguration de ses plaisirs quotidiens.
Une explosion des prix sans précédent

Depuis plusieurs mois, les marchés mondiaux du cacao connaissent une volatilité extrême, provoquée par une baisse drastique de la production en Afrique de l’Ouest, région qui concentre plus de 60 % de la production mondiale. En cause, des épisodes climatiques extrêmes — pluies torrentielles, chaleur inhabituelle, maladies des cacaoyers — qui ont compromis les récoltes au Ghana et en Côte d’Ivoire. À cela s’ajoute une spéculation accrue sur les marchés de matières premières, les négociants anticipant des pénuries durables. Résultat : les prix du cacao ont dépassé les 10 000 dollars la tonne en avril 2025, un niveau inédit. Cette flambée se répercute mécaniquement sur toute la chaîne de production du chocolat, jusqu’aux rayons des supermarchés français.

Dans les grandes surfaces comme chez les artisans, la hausse des coûts se traduit par une augmentation rapide des prix de vente. En un an, le prix moyen d’une tablette de chocolat a grimpé de plus de 25 %, selon les données de l’INSEE. Pour les produits plus élaborés – bonbons au chocolat, desserts, pâtisseries – l’impact est encore plus marqué. Les industriels, confrontés à une hausse simultanée des prix de l’énergie, du sucre et des emballages, sont contraints de rogner sur leurs marges ou de revoir leurs recettes. Certaines enseignes ont même réduit la taille des portions sans baisser les prix, une stratégie dite du « shrinkflation » qui renforce le sentiment d’appauvrissement du consommateur.

Cette augmentation du prix du chocolat ne peut être lue isolément : elle s’inscrit dans un contexte plus large d’inflation alimentaire généralisée, où les produits plaisir deviennent les premiers sacrifiés. Comme le souligne le sociologue Jean Viard, « quand tout augmente, on rogne d’abord sur les produits superflus, et le chocolat, pourtant chargé d’affect, devient une variable d’ajustement ». Pour de nombreux foyers, offrir des chocolats à Pâques ou se permettre un carré après le dîner devient une dépense à arbitrer. Ce renoncement, en apparence mineur, révèle en creux l’ampleur de la tension économique ressentie par une large partie des Français.

La mutation silencieuse des pratiques de consommation

L’évolution des comportements face au chocolat n’est pas qu’une affaire de budget. Elle touche à la place du plaisir dans les habitudes de consommation. Selon Jean Viard, nous assistons à une forme de « réinvention du luxe quotidien » : ce qui était banal – une sucrerie en fin de repas, une tablette dans le sac d’un étudiant – devient objet de calcul, voire de frustration. Cette raréfaction transforme le rapport affectif au chocolat, autrefois associé à la récompense, à la convivialité ou à la détente. Aujourd’hui, on partage moins, on garde pour soi, on évite les achats impulsifs. Le chocolat, en devenant plus cher, redevient un marqueur social et une exception.

Face à l’inflation, certains consommateurs se tournent vers des substituts : bonbons moins coûteux, gâteaux industriels, confiseries au caramel ou à la guimauve. Les ventes de chocolats premier prix, contenant moins de cacao, augmentent, tandis que les produits artisanaux haut de gamme voient leur clientèle se restreindre à un noyau fidèle. Par ailleurs, les distributeurs multiplient les promotions sur des produits annexes pour compenser la baisse de consommation. Cette réorientation des choix alimentaires pourrait durablement modifier la structure du marché, poussant certaines marques à repenser leurs gammes et à segmenter davantage leur offre.

La crise actuelle encourage aussi, paradoxalement, une forme de consommation plus attentive. Les clients lisent davantage les étiquettes, comparent les prix au kilo, et se tournent parfois vers des circuits courts ou des chocolatiers engagés. Mais cette tendance au « mieux consommer » reste freinée par les contraintes économiques. Le bio et l’équitable, longtemps promus comme des réponses éthiques aux crises agricoles, peinent à résister à la logique du prix plancher. La dimension morale du choix s’efface devant la nécessité budgétaire. Comme le souligne Jean Viard, « l’économie de guerre silencieuse que nous vivons transforme chaque achat en acte rationné, y compris celui du chocolat ».

Une crise révélatrice de fragilités sociales plus profondes

Le recul de la consommation de chocolat, observé dans les derniers mois, dépasse le simple effet de l’offre et de la demande. Il témoigne d’un changement d’état d’esprit plus profond. Produit affectif, lié à l’enfance, aux fêtes et à la détente, le chocolat est l’un de ces « biens tampons » qui mesurent le moral d’une société. Quand il devient rare ou inaccessible, c’est que quelque chose de plus vaste se déséquilibre. Le sociologue note ainsi que « l’on ne renonce pas au chocolat uniquement pour des raisons économiques, mais parce qu’on renonce à une forme de bonheur simple, que l’on se dit qu’on ne peut plus se permettre ».

Tous les foyers ne sont pas égaux devant la hausse du prix du chocolat. Dans les classes moyennes et populaires, le recul est plus marqué, alors que les CSP+ continuent de s’offrir des produits premium, même à prix élevé. La fracture alimentaire se double ici d’une fracture culturelle : ceux qui peuvent encore consommer du chocolat le font souvent avec une approche qualitative, tandis que les autres en viennent à se priver de manière plus abrupte. Le chocolat devient ainsi un indicateur des disparités de pouvoir d’achat, comme le sont aussi l’accès au bio, aux fruits frais ou aux loisirs.

Enfin, cette crise pourrait bien préfigurer un basculement durable : la transformation de notre rapport aux produits sucrés et de notre hiérarchie alimentaire. Si le chocolat devient un produit exceptionnel, d’autres habitudes pourraient suivre : réduction des repas à l’extérieur, retour au fait maison, baisse des consommations festives. L’alimentation redevient un lieu d’arbitrage, et les produits émotionnels – comme le chocolat – sont les premiers impactés. La société française semble ainsi glisser vers une ère de consommation sobre, contrainte, où même les douceurs les plus consensuelles se négocient à l’aune de leur prix.



Taxe textile : pourquoi le prix des vêtements Shein risque de doubler

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Close-up of economist using calculator while going through bills and taxes in the office.

À partir de 2025, les consommateurs français pourraient voir leurs achats sur des plateformes comme Shein devenir nettement plus coûteux. Une nouvelle taxe environnementale, surnommée « malus fast fashion », prévoit d’imposer jusqu’à 10 euros par article acheté sur ces sites. Mais pourquoi cette mesure frappe-t-elle plus durement les clients des plateformes à bas coût que ceux des enseignes traditionnelles ?

Une taxe fixe aux conséquences variables

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2024 prévoit un malus environnemental pouvant atteindre 10 euros par article d’ici 2030, avec une première étape à 5 euros en 2025. Cette taxe vise spécifiquement les entreprises de « fast fashion » qui produisent massivement des vêtements à bas coût, renouvelant constamment leurs collections.

Si le montant de la taxe est fixe par article, son impact est proportionnellement plus lourd sur les articles bon marché. Par exemple, un t-shirt à 5 euros verra son prix doubler avec une taxe de 5 euros, soit une augmentation de 100 %. En revanche, un vêtement à 50 euros ne subira qu’une hausse de 10 %.

Shein et Temu : des prix bas, une taxe plus lourde

Shein et Temu se sont imposés en France grâce à des prix défiant toute concurrence. Selon l’Institut français de la mode, le prix moyen d’un article sur Shein est d’environ 10 euros, tandis que le panier moyen sur Temu est de 20 euros.

Avec l’application de la taxe, un article à 10 euros sur Shein coûtera 15 euros en 2025, puis 20 euros en 2030. Sur Temu, un panier moyen de 20 euros passera à 25 euros, puis à 30 euros. Cette hausse représente une augmentation significative pour des consommateurs attirés par les petits prix.

La loi vise spécifiquement les plateformes comme Shein et Temu, qui inondent le marché de nouveaux modèles à un rythme effréné. Shein, par exemple, mettrait en ligne jusqu’à 7 200 nouveaux modèles par jour, ne lançant la production massive que pour les produits les plus demandés, à la différence des enseignes comme Zara ou H&M qui produisent de nouvelles lignes toutes les six semaines, générant des montagnes d’invendus.

C’est toute l’ambiguïté de la proposition de loi qui exclut de son périmètre les marques de fast fashion traditionnelles et la grande distribution, dont le modèle est pourtant tout autant critiquable d’un point de vue environnemental.

Une TVA sur les produits des plus pauvres

Cette mesure soulève des critiques. Certains estiment qu’elle pénalise les consommateurs aux revenus modestes, pour qui ces plateformes représentent une solution économique pour s’habiller. Christophe Castaner, directeur RSE de Shein France, a d’ailleurs déclaré : « On est en train d’inventer une TVA sur les produits des plus pauvres. »

En France, plus de 12 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Pour ces foyers, le recours à des vêtements à très bas coût est une nécessité, pas un choix. Un sondage relayé par plusieurs associations de consommateurs indique qu’un tiers des acheteurs de plateformes ultra low-cost déclarent acheter en ligne parce qu’ils ne peuvent pas s’habiller autrement à prix raisonnable. Ces plateformes permettent de se vêtir pour moins de 50 euros par mois, là où une enseigne classique facture parfois 30 à 40 euros une seule pièce.

Prenons un panier type de 5 articles pour 45 euros – soit environ 9 euros par pièce. En 2030, ce même panier serait taxé de 50 euros, portant son prix total à 95 euros. Une hausse de plus de 110 %, insoutenable pour beaucoup de ménages. À l’échelle d’une famille avec deux enfants, le surcoût annuel lié à cette taxe pourrait dépasser les 600 euros, en supposant 3 commandes par saison.

Alors que les prix de l’alimentation, de l’électricité ou des loyers continuent d’augmenter, cette taxe sur la mode bon marché risque de toucher de plein fouet ceux qui n’ont d’autre choix que de privilégier le prix au reste. Une mesure pensée pour l’écologie, mais qui, en l’absence de compensation sociale ou d’alternatives accessibles, risque d’aggraver les fractures économiques déjà profondes.

Les billets en euros se réinventent en 2026

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En 2026, les billets en euros se métamorphoseront sous un nouveau design, mettant en valeur l’histoire culturelle et la richesse écologique de l’Europe. Ces nouveaux billets, qui toucheront les coupures de 5, 10, 20, 50, 100 et 200 euros, marqueront une étape importante dans l’évolution de la monnaie européenne. Ce relooking vise à célébrer non seulement l’héritage culturel commun de l’Europe, mais aussi sa diversité naturelle.
Un hommage à la culture européenne et à l’environnement naturel

Les billets de 2026 seront porteurs de symboles qui incarnent le génie créatif et scientifique européen. Marie Curie, Ludwig van Beethoven et Cervantès sont des figures parmi les plus emblématiques qui contribueront à l’identité visuelle de la monnaie. Ces personnalités ne sont pas seulement des icônes de leur époque, mais elles sont également porteuses des valeurs de curiosité intellectuelle, d’innovation et de persévérance. Le choix de leur inclusion dans ce projet montre la volonté de la BCE de rendre hommage à l’histoire culturelle de l’Europe, tout en offrant aux citoyens une manière de se reconnecter à cet héritage à travers un élément quotidien : l’argent. Ainsi, ces figures ne sont pas simplement des visages sur des billets, mais des symboles d’un passé commun qui façonne encore l’Europe contemporaine.

En parallèle, la Banque Centrale Européenne a décidé de donner une place de choix à la nature à travers des motifs de fleuves et d’oiseaux. Cette thématique renvoie à la diversité et à la beauté des écosystèmes naturels européens. Les rivières, qui traversent le continent d’est en ouest, et les oiseaux, symboles de liberté et de mobilité, incarnent la force et la résilience de l’Europe face aux défis écologiques. Ces images ont pour but de rappeler à chacun que la protection de l’environnement est au cœur des préoccupations actuelles. Par cette démarche, la BCE entend sensibiliser les citoyens européens à l’urgence de préserver la nature et à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement. Cette approche va au-delà du simple design : elle s’inscrit dans une réflexion profonde sur le rôle de l’Europe dans le combat contre le changement climatique.

Le mariage de la culture européenne et de la nature sur ces billets crée une narration visuelle cohérente qui reflète l’identité plurielle de l’Europe. En associant ces deux thématiques, la BCE offre une vision de l’Europe où l’histoire, l’art, et la nature coexistent harmonieusement. Cela traduit la compréhension que l’Europe ne se limite pas à un héritage intellectuel, mais qu’elle est aussi un territoire où la nature, la culture et l’histoire sont intimement liés. Cette dualité est donc bien plus qu’un simple choix esthétique : elle incarne une réflexion sur l’avenir de l’Europe, sur la manière dont ses citoyens interagissent avec leur environnement et sur la nécessité de préserver un équilibre entre progrès humain et respect de la planète.

Des personnalités emblématiques sur les nouveaux billets

Les billets de 5 euros mettront en avant la grande soprano Maria Callas. Cette artiste n’est pas seulement l’une des voix les plus célèbres du XXe siècle, mais elle incarne aussi l’esprit de l’Europe artistique, notamment dans la musique classique et l’opéra. En choisissant Callas, la BCE rend hommage à une icône de la scène internationale, mais aussi à l’héritage musical européen. Son image sur les billets symbolisera la puissance de la culture européenne et son influence dans le monde entier. Le motif associé à son portrait — une source d’eau et un passereau dans un paysage de montagne — renforcera l’idée de l’union entre l’art et la nature, montrant ainsi l’importance de ces deux éléments dans l’identité européenne.

Le billet de 10 euros, orné de Beethoven, célébrera un autre géant de la culture européenne. La musique de Beethoven transcende les époques et les frontières, et sa présence sur les billets rappellera à la fois la richesse de la tradition musicale européenne et l’impact de la musique sur la société. Le choix de Beethoven pour ce billet n’est pas anodin : il représente la capacité de l’Europe à produire des artistes d’envergure mondiale, des créateurs qui ont marqué l’histoire non seulement par leurs œuvres, mais aussi par l’univers qu’ils ont su créer autour d’eux. Les motifs de chutes d’eau et de martin-pêcheur accentueront l’idée de fluidité, un parallèle avec la musique, et renforceront l’interconnexion entre l’art et la nature.

Cervantès, le célèbre auteur de Don Quichotte, sera présent sur les billets de 50 euros. Ce choix souligne l’importance de la littérature dans la construction de l’identité européenne, en particulier la richesse de la culture hispanique. Cervantès est un personnage universel, dont l’œuvre a traversé les siècles et reste aujourd’hui un pilier de la littérature mondiale. L’image de Cervantès sur le billet de 50 euros sera accompagnée de cigognes blanches, une espèce migratoire symbolisant les liens entre les différentes régions de l’Europe. Le message derrière ce choix : la culture est un vecteur de cohésion et d’unité entre les peuples, et le livre reste un pont entre les générations.

Un design porteur de sens et de message

Les nouveaux billets se veulent bien plus que de simples instruments financiers : ils sont des outils d’affirmation de l’identité européenne. À travers l’image de figures historiques et l’illustration de la nature, la BCE cherche à unir les citoyens européens autour d’un patrimoine commun. Chaque billet devient une œuvre d’art à la fois esthétique et symbolique, renforçant l’idée que l’Europe est un projet partagé, fondé sur des valeurs culturelles et environnementales. En utilisant ces motifs, la BCE promeut également un sentiment de fierté chez les citoyens européens, leur offrant un moyen tangible de s’identifier à l’histoire et à la culture de leur continent.

Le choix des thèmes sur les fleuves et les oiseaux porte également un message clair sur l’engagement écologique de l’Europe. La Banque Centrale Européenne utilise ces billets comme un outil pour sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux, soulignant que la protection de la nature est au cœur des priorités de l’Union européenne. En mettant en avant des éléments naturels dans les designs, la BCE incite à réfléchir sur le rôle de chacun dans la préservation de l’écosystème européen et mondial. Ce message n’est pas seulement symbolique, il s’inscrit dans une dynamique plus large de responsabilité collective envers la planète.

La nouvelle série de billets en euros ne se contente pas de répondre aux nécessités économiques, elle devient un véritable outil de transmission des valeurs. En associant des figures historiques et des éléments naturels, la BCE crée une sorte de récit visuel qui nous invite à réfléchir sur notre place dans le monde, sur notre héritage et sur notre avenir collectif. Ce projet incarne la volonté de l’Europe de se projeter dans le futur tout en honorant son passé. L’économie, la culture, et la nature s’entrelacent ainsi pour offrir un portrait plus riche et plus complexe de l’Europe, bien au-delà de la simple monnaie.




 

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