La consommation d’alcool et de drogues au travail a bondi de 107% depuis 2017

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Entre 2017 et 2025, la consommation d’alcool et de drogues sur les lieux de travail en France a plus que doublé. C’est ce que révèle une étude inédite publiée le 12 juin par iThylo, marque de l’entreprise Aperli, et dévoilée par franceinfo. Baptisé « Révéler ce qui ne se voit pas », le rapport met en lumière une dérive préoccupante : une augmentation de 107 % des cas positifs détectés sur les lieux de travail en huit ans, avec une progression spectaculaire de la consommation de cocaïne.

La cocaïne s’invite dans les ateliers et sur les chantiers

Longtemps perçue comme une drogue réservée à certains milieux festifs ou à des cadres urbains, la cocaïne s’est aujourd’hui diffusée dans des univers bien différents : entrepôts logistiques, ateliers, chantiers. En 2025, les cas positifs à cette drogue se sont multipliés par 13 par rapport à 2017, selon les données recueillies par iThylo lors de tests salivaires anonymes réalisés sur des milliers de salariés.

Jean-Jacques Cado, président et cofondateur de l’entreprise, observe une évolution frappante : « Là où il était extrêmement rare de dépister une personne positive à la cocaïne, on voit aujourd’hui des cas groupés dans certaines équipes ». Il cite un exemple marquant : sur un seul site industriel, huit personnes sur vingt-quatre dépistées étaient positives à cette substance.

Si la cocaïne fait une percée spectaculaire, le cannabis reste la substance la plus fréquemment retrouvée lors des tests, avec 1,8 % de taux de positivité en 2025.

Un phénomène aggravé par la précarité et l’isolement

L’étude met en évidence une vulnérabilité accrue chez les travailleurs précaires, en particulier les intérimaires. Bien qu’ils ne représentent que 15 % de l’échantillon total, ils concentrent à eux seuls 25 % des cas positifs au cannabis, 31 % à la cocaïne et 18 % à l’alcool.

Des facteurs structurels expliquent cette surreprésentation : horaires atypiques, conditions de logement souvent précaires, faible intégration au collectif de travail, isolement social et accès limité à l’information et à la prévention. Autant d’éléments qui favorisent le glissement vers des consommations addictives banalisées.

Jean-Claude Delgennes, expert en santé au travail et auteur d’un ouvrage consacré aux addictions en entreprise, confirme cette tendance : « Il ne s’agit pas uniquement de consommateurs réguliers. Certains sont simplement exposés à un environnement professionnel dans lequel l’usage de drogues devient culturellement accepté, voire intégré au quotidien. »

L’alcool, un usage rythmé par les horaires de travail

L’étude souligne également des usages d’alcool spécifiques à certains rythmes de travail. Les consommations s’intensifient notamment en fin de journée et le vendredi, avec des taux de positivité parfois deux fois supérieurs à la moyenne, particulièrement chez les salariés effectuant des horaires décalés ou nocturnes.

Cette tendance s’est fortement accentuée depuis la pandémie de Covid-19. Alors que les taux restaient relativement stables entre 2017 et 2021, les trois années suivantes ont marqué un tournant net. Entre 2022 et 2024, les cas positifs ont bondi de 43 % pour l’alcool et de 52 % pour l’ensemble des stupéfiants. Une « rupture claire avec la période pré-Covid », selon les auteurs du rapport.

Une banalisation inquiétante, un angle mort des politiques de prévention

L’un des constats majeurs de cette étude est la normalisation silencieuse de la consommation de substances psychoactives en entreprise. « Ce phénomène s’ancre dans les failles structurelles du monde du travail », alerte iThylo, pointant les limites des politiques de prévention actuelles, souvent centrées sur les cadres ou les postes à responsabilité, et ignorant la réalité du terrain chez les travailleurs les plus exposés.

La marque appelle à un changement de paradigme : une prévention plus inclusive, plus réaliste et mieux adaptée aux besoins du terrain. Pour cela, iThylo plaide pour des interventions portées par des professionnels légitimes, une prise en compte de tous les statuts – y compris les intérimaires – et la mise en place de dispositifs d’écoute durables.

Un enjeu de santé publique et de sécurité au travail

Au-delà de la question sanitaire, cette montée en flèche des consommations d’alcool et de drogues en milieu professionnel pose un véritable problème de sécurité, notamment dans les secteurs à risque comme le BTP, la logistique ou l’industrie.

Alors que les usages évoluent, souvent dans l’ombre, les entreprises, les pouvoirs publics et les acteurs de la prévention sont appelés à réagir face à un phénomène aussi massif que méconnu. Car ce qui se joue, c’est autant la santé des salariés que la sécurité de tous.

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