Les jeunes ingénieurs tournent le dos à l’industrie

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Les jeunes ingénieurs se détournent de plus en plus de l’industrie pour les sociétés de services, attirés par des contrats plus stables et de meilleures conditions. Cette désaffection fragilise la réindustrialisation du pays, alerte l’association Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF).  

Un basculement vers les bureaux d’études

Selon l’enquête de l’IESF, le nombre de jeunes ingénieurs embauchés par des bureaux d’études a considérablement augmenté ces deux dernières années, passant de 7 % à 11 %. Ce secteur attire davantage de jeunes diplômés grâce à des conditions de travail plus attrayantes, notamment des contrats plus stables et des perspectives d’évolution intéressantes.

En parallèle, l’industrie, qui représente encore le principal débouché pour ces ingénieurs, a vu son attractivité diminuer. Le nombre de jeunes entrants dans l’industrie, tous secteurs confondus (métallurgie, énergie, automobile), est passé de 38 % à 36 % entre 2022 et 2024. Bien que cette baisse puisse sembler modeste, elle reflète un glissement préoccupant des priorités des jeunes générations.

La principale raison de cette tendance est claire : les cabinets d’études offrent plus de CDI, de meilleurs salaires et des conditions de travail souvent perçues comme plus flexibles. Face à cela, l’industrie peine à rivaliser. En effet, le nombre de CDI dans l’industrie a baissé de 3 % ces deux dernières années, tandis que celui des CDD a augmenté de 5 %, rendant ce secteur moins stable et moins attractif pour les jeunes diplômés.

Conditions de travail dégradées dans l’industrie

Le recul de l’attractivité de l’industrie est aussi lié à une baisse des salaires. Selon l’IESF, le salaire d’embauche du plus bas niveau est passé de 34 000 euros annuels en 2022 à 29 000 euros en 2023, une perte de 5 000 euros en seulement deux ans. Ce déclin de la rémunération, dans un contexte où le coût de la vie augmente, pousse de plus en plus de jeunes ingénieurs à se tourner vers des entreprises offrant des conditions plus avantageuses.

L’augmentation des contrats à durée déterminée (CDD) dans l’industrie est également un facteur dissuasif. Les jeunes ingénieurs recherchent aujourd’hui davantage de stabilité, et cette prolifération de contrats temporaires contribue à l’érosion de l’attractivité du secteur. Entre 2022 et 2024, le nombre de CDD dans l’industrie a crû de 5 %, renforçant l’instabilité ressentie par les jeunes diplômés.

Cette situation compromet les efforts de réindustrialisation de la France, pourtant jugée cruciale pour relever les défis énergétiques de demain, qu’il s’agisse du nucléaire, des énergies renouvelables ou des réseaux. Si l’industrie ne parvient pas à redevenir compétitive sur le marché du travail, les ambitions nationales dans ces secteurs risquent de stagner.

Le défi de la féminisation de l’industrie

La question de la féminisation dans l’industrie est un autre point de blocage. L’enquête de l’IESF révèle que les femmes représentent 30 % des 46 500 ingénieurs diplômés en 2023, un chiffre qui n’a pas évolué depuis 2011. Ce manque de progrès en matière de parité est d’autant plus inquiétant que le nombre de jeunes filles en classes préparatoires et dans les écoles d’ingénieurs est en recul.

Les sociétés de services et d’ingénierie semblent mieux répondre à la quête de parité. Elles offrent un environnement plus accueillant pour les femmes, avec des opportunités de carrière et des conditions de travail souvent perçues comme plus inclusives. Cette capacité à mieux intégrer la diversité dans leurs équipes fait de ces entreprises un choix privilégié pour les jeunes ingénieurs, notamment les femmes.

Le manque de féminisation dans l’industrie pose des questions sur son attractivité future. Si l’industrie ne parvient pas à se rendre plus inclusive, elle risque de se priver d’une partie importante des talents de demain. Les femmes ingénieures, avec leurs compétences et leur vision, pourraient jouer un rôle clé dans l’innovation et la réindustrialisation. Ne pas les inclure suffisamment revient à freiner le potentiel de renouvellement d’un secteur en quête de modernisation. « L’égalité des sexes n’est pas seulement une question de justice ou de droits humains, c’est aussi un facteur économique crucial. L’autonomisation des femmes stimule la productivité et la croissance économique. », comme l’avait rappelé Christine Lagarde, ancienne directrice générale du FMI, lors d’un discours prononcé il y a quelques années, au Forum économique mondial de Davos.



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