Dès son accession au pouvoir, en août dernier, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a engagé des consultations avec les partis d’opposition afin de tourner la page de la contestation électorale. Il serait également prêt à accorder la grâce présidentielle à des politiciens et hommes d’affaires en exil depuis plusieurs années.
Mohamed tend la main à l’opposition
Selon Biram Dah Abeid, qui était arrivé deuxième à l’élection de juin 2019 avec 18,58% des voix, Mohamed Ould Ghazouani est beaucoup plus disposé au dialogue que son « parrain », l’ancien chef d’Etat Mohamed ould Abdel Aziz. « J’ai discuté pendant plusieurs heures avec monsieur Ghazouani et j’ai constaté beaucoup d’ouverture, de pondération et de modération », a-t-il confié à RFI, lors de son récent passage à Paris. Ce tête à tête avec le nouvel homme fort de Nouakchott a eu lieu le lundi 30 septembre 2019. Il s’agissait de la première rencontre entre le député de l’IRA et le général de 62 ans. Cette audience s’inscrit dans le cadre des rencontres amorcées par le chef de l’état mauritanien avec les responsables de l’opposition. Il avait d’ores et déjà rencontré le président du RFD, Ahmed O. Daddah, le président de l’APP Messaoud O. Boulkhair, le président de l’UFP Mohamed O. Maouloud et le président du parti Sawab Abdessalam O. Horma.
Mohamed Ould Bouamatou et Moustapha Chafi : des gestes forts
Mohamed Ould Ghazouani semble avoir marqué une rupture franche avec Mohamed ould Abdel Aziz. Il avait annoncé les couleurs lors de son discours du 1er août en mettant dans la même corbeille tous les régimes passés. Son « mentor » n’aurait pas goûté à cette comparaison. Autre signe que l’ancien ministre de la défense (2018-2019) joue son propre rôle, il a ordonné le lundi 29 juillet, la libération de Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir, un blogueur emprisonné depuis 5 ans alors qu’il avait fini de purger sa peine. Ghazouani aurait même l’intention de lever toutes poursuites judiciaires à l’encontre des hommes d’affaires Mohamed Ould Bouamatou et Moustapha Chafi. L’un est accusé de corruption, l’autre de complicité avec le terrorisme. Cette grâce présidentielle serait pratiquement acquise, selon des sources très crédibles de la capitale mauritanienne. Elle devrait être officiellement annoncée avant les célébrations de la fête de l’indépendance, le 28 novembre prochain.
Le président doit encore mieux faire
Même si Mohamed Ould Ghazouani montre de bonnes dispositions, il est encore perçu comme un pion du système. Il pratiquerait une sorte de changement dans la continuité. Pour trouver grâce aux yeux de l’opposition et de la communauté internationale, il devra faire encore plus que ce qu’il a fait maintenant. Le nouveau président mauritanien doit notamment mettre fin à l’esclavage, institutionnalisé dans son pays. Dans une lettre à Ghazouani, publié mardi 15 octobre, l’organisation Human Rights Watch a écrit qu’elle souhaitait le rencontrer pour parler avec lui des droits de l’Homme. « Nous vous écrivons au début de votre mandat pour vous exhorter à prendre des mesures décisives afin d’améliorer le respect des droits des femmes à l’échelle nationale, et de réduire la prévalence des violences fondées sur le genre », a exhorté l’ONG internationale.
Ghazouani devrait en outre lever « l’interdiction sur les mouvements politiques, les partis politiques et les ONG qui sont interdites, comme le mouvement IRA, que je représente, le parti RAG, aussi, d’autres partis comme le FPC… » et reformer la Ceni – la Commission électorale nationale indépendante, estime Biram Dah Abeid.