Lutte contre le tabagisme et hausse des prix : le contre-exemple allemand

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Si le prix du paquet de cigarettes a été multiplié par trois en France depuis 2000, les ventes de tabac résistent… notamment chez les jeunes. Un échec dont nul ne semble souhaiter tirer les leçons à l’heure de l’annonce du « paquet à 10 euros ». Pourtant d’autres modèles existent, notamment en Allemagne, où la décrue du tabagisme s’est faite au travers d’autres moyens que le coup de bambou fiscal.

En annonçant sa volonté de faire passer à 10 euros le prix du paquet de cigarettes à l’horizon 2020, la ministre de la Santé Agnès Buzyn, n’a fait que mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs. De droite, de gauche, et désormais du centre. Depuis le début des années 2000, les hausses répétées du prix du tabac constituent l’alpha et l’oméga des politiques publiques françaises en matière de lutte contre le tabagisme.

Des hausses aux effets marginaux sur la consommation, que nos gouvernants reproduisent, cycle électoral après cycle électoral, pour mieux masquer l’absence de réelle stratégie dans la lutte contre la tabagie. Tandis que les prix flambent, la France continue de s’enfoncer dans les classements européens au point de constituer désormais avec la Grèce, la Bulgarie et la Croatie, le club des quatre mauvais élèves au-dessus de 35% de prévalence.

Année après année, la consommation se maintient en France, mais dégringole dans la plupart des autres pays d’Europe de l’Ouest et du Nord. A commencer par l’Allemagne, dont le modèle, moins stigmatisant pour les fumeurs, mérite d’être analysé et comparé à l’hexagone. Ne serait-ce que pour constater qu’une vision plus globale peut être un puissant levier pour diminuer le nombre de fumeurs.

Allemagne : tabac 2 fois moins cher, prévalence 3 fois moindre chez les jeunes

En Allemagne, le prix moyen d’un paquet de cigarettes se situe aux environs de 5,50 euros (globalement dans la fourchette moyenne de l’Union européenne) contre 7 euros aujourd’hui en France (et 10 euros à partir de 2020). Dans trois ans, le paquet de cigarettes sera donc deux fois plus cher en France qu’Outre-Rhin. Pour quels résultats ?

En 2017, 35,1% des Français assurent encore fumer quotidiennement. Un chiffre considérable, de 10 points supérieur aux taux de prévalence en Allemagne (25%). Un écart qui s’accroit encore très largement pour les jeunes de moins de 15 ans. En France, 26% d’entre eux fument tous les jours. Un chiffre impressionnant, et trois fois plus élevé qu’en Allemagne (9%).

Pourtant le gouvernement allemand adopte depuis longtemps une approche plus laxiste que ses homologues français. Outre le prix moins élevé du tabac, l’accès aux cigarettes est moins encadré (vente en machine), les autorisations de fumer dans les lieux publics dépendent des régions et non de l’état fédéral, et certaines publicités pour le tabac sont encore autorisées (dans les cinémas après 18 heures).

Or la consommation de tabac baisse en moyenne d’environ 7% par an en Allemagne grâce à des campagnes de prévention ciblées sur les jeunes, et conçues pour générer une image négative de la cigarette. Résultat : la perception du tabac est devenue très majoritairement négative auprès des adolescents et des jeunes adultes. « En Allemagne, la cigarette n’a plus sa place dans la vie de la jeunesse » s’est d’ailleurs réjouie la commissaire fédérale de la lutte contre la drogue, Marlene Mortler.

Au-delà de l’exemple allemand, la France se trouve à la dernière place européenne en ce qui concerne la part de la population n’ayant jamais fumé (42%). Un indicateur qui, plus qu’aucun autre, démontre les fragilités du modèle exclusivement punitif à la française.

La France a échoué à ringardiser le tabac

La politique de hausse des prix et les vexations et restrictions diverses qui visent les fumeurs depuis près de vingt ans (limitation des zones fumeurs, mentions sur la dangerosité puis paquet neutre, discours culpabilisant,…) ont échoué à faire baisser la consommation et à rendre le tabac moins désirable, moins « glamour », notamment auprès des jeunes. C’est cet échec fondamental que masquent les annonces des ministres successifs de la Santé.

Dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest et du Nord, mais aussi en Amérique du Nord, le tabac n’est plus un objet de désir chez les jeunes. La culture de la cigarette a disparu des collèges et lycées. Pourquoi fait-elle encore de la résistance en France ? C’est à cette question qu’il faut tenter de répondre pour apporter des solutions crédibles au tabagisme.

Selon l’historien Didier Nourrisson, fumer est une pratique sociale ancrée dans la culture française. « Aujourd’hui encore, fumer est un besoin social et quasiment démocratique. Ce besoin remonte à la Révolution française (…). C’est encore ancré dans l’esprit des gens. C’est une sorte d’héritage culturel qui se transmet inconsciemment de génération en génération », affirme-t-il, avant de noter l’impuissance des législations face à ce phénomène.

Didier Nourrisson s’interroge sur ce paradoxe français. « D’un côté, les Français veulent fumer et jouir de la vie, avec les risques que cela comporte. Ceci est bien accepté. Et d’un autre côté, la société française accepte que les fumeurs soient stigmatisés et qu’ils doivent sortir des bars et restaurants pour fumer ».

C’est donc bien à cet élément culturel propre à la France que le gouvernement devra tôt ou tard s’attaquer s’il souhaite faire baisser drastiquement le nombre de fumeurs. Mais rendre le tabac ringard ne se décrète pas aussi facilement qu’une hausse des prix. Fût-elle de plus de 30%.

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