Le gouvernement soudanais affirme que les Émirats arabes unis recrutent des mercenaires étrangers pour soutenir les Forces de soutien rapide, en guerre contre l’armée nationale.
Des accusations lourdes au cœur du conflit soudanais
Dans un communiqué diffusé lundi 4 août, le gouvernement soudanais a accusé les Émirats arabes unis de financer des mercenaires étrangers, notamment colombiens, afin de renforcer les rangs des Forces de soutien rapide (RSF), engagées depuis avril 2023 dans une guerre meurtrière contre l’armée régulière. Le ministère des Affaires étrangères affirme disposer de « preuves irréfutables » sur le recrutement de ces combattants, sans toutefois avancer de noms ou de documents à l’appui.
Le communiqué évoque un « phénomène sans précédent » impliquant plusieurs centaines de milliers de mercenaires, recrutés dans toute l’Afrique. Pour Khartoum, ce soutien indirect aux RSF représente une « menace grave pour la paix et la sécurité » non seulement au Soudan, mais dans toute la région. L’ampleur supposée de ces recrutements soulève de vives inquiétudes sur l’internationalisation du conflit et l’implication d’acteurs extérieurs dans l’enlisement de la guerre.
Les autorités soudanaises avaient déjà pointé du doigt Abou Dhabi dans le passé, l’accusant de fournir des armes aux paramilitaires. En novembre, Amnesty International publiait un rapport révélant la présence de véhicules blindés d’origine émiratie, équipés de systèmes français, sur les lignes des RSF. Une accusation que les Émirats avaient rejetée, dénonçant une « campagne de désinformation ». L’escalade verbale entre les deux pays franchit désormais un nouveau cap.
Une riposte ferme des Émirats face à des « allégations infondées »
Le ministère émirati des Affaires étrangères a catégoriquement rejeté les accusations soudanaises. Dans une déclaration transmise à l’agence Associated Press, les Émirats dénoncent des « allégations infondées » visant, selon eux, à détourner l’attention des responsabilités propres aux autorités de Khartoum. Abou Dhabi affirme rester engagé en faveur du processus de paix et accuse le gouvernement soudanais de chercher à saboter les efforts diplomatiques régionaux.
Déjà mis en cause dans d’autres conflits régionaux, notamment au Yémen ou en Libye, les Émirats arabes unis cherchent à éviter toute nouvelle stigmatisation sur la scène internationale. Ce démenti rapide et formel s’inscrit dans une stratégie de défense diplomatique : préserver leur rôle d’acteur économique et politique majeur dans la région, tout en niant toute forme de soutien militaire aux factions engagées dans le conflit soudanais.
Les relations entre Abou Dhabi et Khartoum se sont considérablement détériorées depuis le début de la guerre civile en avril 2023. Chaque épisode d’escalade, chaque accusation, contribue à éloigner les perspectives de médiation régionale. Si les canaux diplomatiques restent ouverts, la méfiance mutuelle et la surenchère médiatique rendent désormais toute reprise des pourparlers de paix de plus en plus hypothétique.
Une guerre civile meurtrière aux conséquences dramatiques
Le conflit entre l’armée soudanaise et les RSF a déjà fait plus de 40 000 morts. Près de 12 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays ou au-delà des frontières, faisant du Soudan l’un des théâtres de crise humanitaire les plus graves au monde. Les infrastructures civiles sont détruites, les services de base anéantis, et des millions de personnes se retrouvent aujourd’hui menacées par la famine.
Les deux camps sont accusés de crimes de guerre. Les organisations internationales documentent des violences sexuelles systématiques, des exécutions sommaires et des opérations de nettoyage ethnique dans plusieurs régions du pays. Le chaos militaire alimente une impunité généralisée, dans un pays désormais fragmenté, où l’État peine à exercer la moindre forme d’autorité légitime sur de vastes territoires.
L’implication présumée de puissances étrangères – qu’il s’agisse de livraisons d’armes ou de recrutement de mercenaires – accentue le risque de régionalisation du conflit. En agitant la menace d’un front africain dominé par des acteurs non étatiques instrumentalisés par des États tiers, Khartoum cherche à alerter la communauté internationale. Mais faute de mécanismes de pression efficaces, le Soudan s’enfonce dans une guerre durable, où les alliances souterraines semblent désormais aussi déterminantes que les affrontements sur le terrain.


















