Les producteurs hexagonaux de vins sont désormais contraints d’abandonner le nom « Champagne » s’ils veulent écouler leurs produits sur le territoire russe. Une décision du Kremlin qui fait jaser le secteur vinicole.
Vladimir Poutine ne fait pas les choses à moitié, surtout s’il est convaincu que cela participe à la promotion des siens. Les spécialistes français du Champagne en font l’amère expérience depuis le 2 juillet. À travers une loi signée à cette date, le président russe a décidé de réserver le nom Champagne consacré à une certaine catégorie de vins effervescents et sous protection dans de nombreux pays, aux seuls boissons sorties des terres russes. Concrètement, les producteurs venant de l’étranger peuvent garder le nom Champagne sur leurs étiquettes s’ils le souhaitent, mais pas son équivalent en écriture cyrillique comme c’est le cas depuis bien des années.
Aucune raison n’a été donnée par le Kremlin pour justifier une telle décision, mais l’enjeu économique semble évident. Il s’agit pour les autorités de Moscou de mettre d’abord en avant les producteurs locaux actifs dans le domaine du vin pétillant depuis l’époque de Staline. Le marché local s’étant par ailleurs enrichi des acteurs de la Crimée, région sous annexion controversée de la Russie depuis 2014.
Levée de boucliers
Mais la stratégie des autorités moscovites suscite des remous hors des frontières russes. Notamment en raison de la forte charge économique, mais aussi symbolique qui entoure l’appellation « Champagne » à travers le monde.
En France, c’est d’abord Moët Hennessy, filiale du groupe LVMH, détenteur de 2 des 13% de parts de marché de vins pétillants importés en Russie qui a réagi en bandant des muscles. L’industriel a en effet fait savoir le 4 juillet qu’il suspendait ses livraisons à Moscou en guise de protestation. Une menace qui ne sera pas mise à exécution puisque Moët Hennessy a depuis décidé d’y renoncer. Mais le malaise n’en est que plus grand, car le groupe indique que la nouvelle loi russe le contraint à procéder à une nouvelle certification onéreuse de ses produits.
Du côté du syndicat des producteurs de Champagne en France, on en appelle à l’intervention des autorités françaises et européennes afin d’obtenir le droit de garder le précieux nom sur les étiquettes de leurs produits. Car estiment-ils, en plus de leur faire de l’ombre sur le marché, l’abandon du nom Champagne priverait les consommateurs russes d’informations sur la traçabilité du célèbre vin effervescent.