La low-cost irlandaise va quitter trois aéroports régionaux et menace d’aller plus loin, dénonçant une taxe écologique de 5 euros par billet.
Une décision brutale aux répercussions régionales
Depuis deux semaines, la compagnie a annoncé qu’elle ne desservira plus Bergerac, Brive et Strasbourg. Ces retraits représentent à eux seuls 13 % de la capacité totale de Ryanair en France. Michael O’Leary, PDG connu pour ses coups d’éclat médiatiques, a même laissé entendre, dans un entretien au Parisien, qu’il pourrait réduire davantage encore la présence du groupe dans l’Hexagone. S’il a le sens de la provocation, ses décisions reposent aussi sur un calcul strictement économique.
Avec un prix moyen de billet autour de 40 euros — contre 150 euros pour des compagnies classiques comme Air France ou Lufthansa — Ryanair vit sur des marges extrêmement fines. L’ajout d’une taxe écologique de 5 euros par billet bouleverse cet équilibre : impossible, selon la direction, de répercuter ce surcoût sans entamer l’attractivité tarifaire qui fonde le succès du low-cost. Dès lors, les lignes les moins rentables deviennent des candidates naturelles à la fermeture.
Au-delà de la fiscalité française, Ryanair doit composer avec un déficit de flotte. Le groupe attend des livraisons de Boeing, retardées par les difficultés industrielles de l’avionneur américain. En attendant, la compagnie réalloue ses appareils aux lignes jugées les plus profitables, au détriment des dessertes régionales françaises, cinquième marché européen seulement pour Ryanair.
Une taxe verte qui interroge son efficacité
Officiellement, la nouvelle taxe de 5 euros a pour vocation d’inciter les voyageurs à privilégier des modes de transport moins polluants, notamment le train. Selon l’Ademe, un Paris-Barcelone émet 70 fois plus de gaz à effet de serre en avion qu’en rail. L’idée est donc de créer un signal-prix pour réduire la demande sur les vols courts.
Pour Arnaud Aymé, spécialiste du secteur aérien, la taxe aura peu d’effet sur les grands hubs comme Paris ou Nice, mais risque de fragiliser fortement les petites plateformes. Les avions retirés des lignes régionales françaises ne resteront pas cloués au sol : ils seront déployés ailleurs, dans des pays plus accueillants fiscalement. De fait, l’impact environnemental global pourrait être nul, voire négatif, si ces avions opèrent sur des distances plus longues.
Problème supplémentaire : ces 5 euros n’iront ni à la transition écologique du transport aérien, ni au financement du rail. Leur affectation actuelle sert uniquement à réduire le déficit budgétaire. Pour les défenseurs d’une fiscalité verte efficace, ce choix neutralise l’effet incitatif de la mesure et alimente le scepticisme des acteurs économiques comme du grand public.
Vers un effet domino sur l’aérien régional
Si Ryanair donne le ton, d’autres compagnies pourraient suivre. Les transporteurs opérant sur des bases régionales et aux marges limitées pourraient juger que l’environnement fiscal français n’est plus compétitif, entraînant un désengagement progressif des low-cost en dehors des grandes métropoles.
La fermeture de lignes entraîne mécaniquement une perte de trafic passagers, avec un impact direct sur les emplois aéroportuaires et les revenus des commerces locaux. L’Union des aéroports français a déjà exprimé ses inquiétudes, soulignant que ces suppressions pourraient freiner le développement économique de régions dépendantes du tourisme aérien.
La mesure fiscale, conçue comme un outil de transition, s’invite désormais dans le débat sur l’aménagement du territoire et la compétitivité du transport aérien français. Entre impératifs écologiques, contraintes budgétaires et réalités économiques des compagnies, la France pourrait se retrouver face à un dilemme : maintenir ses ambitions vertes ou préserver l’accessibilité de ses régions.