Trump relance la guerre commerciale avec l’Europe

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Face à la surtaxe de 30 % annoncée par Donald Trump sur les importations européennes, l’UE est prise entre fermeté stratégique et recherche d’un compromis.

Une offensive tarifaire américaine qui fait voler en éclats les négociations

C’est une annonce tonitruante qui tombe en pleine torpeur estivale : Donald Trump a décrété, à partir du 1er août 2025, une surtaxe de 30 % sur les importations européennes, après plusieurs mois d’atermoiements. Le président américain avait d’abord évoqué en avril des « droits de douane réciproques » à 10 %, puis 24 % pour l’Union européenne, avant de suspendre l’application face aux marchés inquiets. La nouvelle salve tarifaire, plus agressive encore, constitue un camouflet pour Bruxelles, qui négocie avec la Maison Blanche depuis le printemps.

Le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, s’était rendu à Washington début juillet dans l’espoir de conclure un accord à taux réduit, sur le modèle de celui obtenu par Londres. Las, les Européens tablaient sur une base de discussion à 10 %, assortie d’exemptions ciblées. En imposant unilatéralement 30 % de droits de douane, Trump torpille ces efforts et fragilise le rôle de l’Union comme interlocuteur crédible en matière commerciale.

En 2024, l’UE a exporté 532,3 milliards d’euros de biens vers les États-Unis, un chiffre majeur pour la santé de l’économie continentale. L’application de ces nouvelles taxes pourrait perturber profondément les chaînes de valeur, notamment dans l’automobile, la chimie ou l’agroalimentaire. Le différentiel commercial – encore favorable à l’Europe – est aujourd’hui au cœur de la rhétorique protectionniste du président américain, en quête de soutien électoral interne.

Bruxelles entre retenue stratégique et montée en tension

Malgré la provocation américaine, la Commission européenne continue de prôner la retenue. Ursula von der Leyen a rappelé samedi que « l’UE a toujours donné la priorité à une solution négociée ». Bruxelles a même prolongé la suspension des contre-mesures douanières prises en réponse aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium. Ce choix vise à éviter une réaction à chaud, et à laisser le président américain s’enfermer dans ses propres contradictions.

La prudence de la Commission repose aussi sur la vulnérabilité de l’économie européenne. Dans un contexte de croissance molle, d’inflation persistante et de désindustrialisation partielle, une guerre commerciale ouverte avec les États-Unis serait dévastatrice. « Elle n’est pas pressée et préfère ne pas réagir de façon impulsive », résume l’économiste Sébastien Jean, qui voit dans l’attitude européenne une tentative de laisser Trump se décrédibiliser.

L’UE reste fidèle à sa doctrine fondée sur le droit international et le libre-échange. Elle répugne à dégainer la riposte, même en réponse à une agression manifeste. Mais cette ligne modérée commence à fissurer l’unité politique des Vingt-Sept, alors que les appels à une posture plus ferme se multiplient, en particulier du côté français.

Vers une réponse européenne ? Le dilemme stratégique

Ursula von der Leyen a confirmé que la Commission prépare des contre-mesures ciblées, estimées à 21 milliards d’euros, en cas de rupture définitive des négociations. Il s’agirait de surtaxer des produits américains de manière symétrique. D’autres pistes sont à l’étude, notamment dans les secteurs agricoles ou numériques, mais rien n’est encore acté. L’Europe joue la montre, sans renoncer à ses options.

Face à l’inaction apparente de Bruxelles, Paris hausse le ton. Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a exhorté la Commission à « se défendre sans naïveté », tandis qu’Emmanuel Macron a réclamé « des contre-mesures crédibles et rapides ». L’Italie, de son côté, milite pour la négociation, quitte à accepter certains compromis. L’Allemagne, longtemps modérée, commence à durcir sa position, évoquant désormais des « mesures décisives » si Trump ne recule pas.

L’ancien directeur du commerce à la Commission, Rupert Schlegelmilch, résume l’enjeu : « Même si des représailles peuvent être économiquement absurdes, elles deviennent stratégiquement indispensables ». Dans ce bras de fer transatlantique, la crédibilité de l’UE comme puissance commerciale est en jeu. Si elle ne riposte pas, elle risque de passer pour une puissance soumise. Si elle riposte trop vite, elle pourrait aggraver le ralentissement économique.



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