Alors que la pression monte sur les grandes entreprises sommées de justifier leur rôle dans le financement de la Nation, le Crédit Agricole revendique haut et fort sa place de premier contributeur fiscal en France. Son directeur général, Philippe Brassac, défend une conception exigeante de la responsabilité d’entreprise et réaffirme l’ancrage coopératif du groupe à l’heure où la défiance envers les grands acteurs économiques n’a jamais été aussi forte.
Être le premier contributeur fiscal : entre poids financier et devoir national
C’est avec un mélange de fierté et de gravité que Philippe Brassac affirme que le Crédit Agricole est le premier contributeur fiscal en France. Une déclaration forte, à contre-courant du silence habituel des grandes entreprises sur leur charge fiscale, souvent reléguée au rang des contraintes techniques. Pourtant, le fait est là : entre impôts sur les sociétés, taxes locales, charges sociales et autres prélèvements, le groupe mutualiste verse plusieurs milliards d’euros par an dans les caisses de l’État. Cette position de leader n’est pas anecdotique : elle place la banque dans une posture inédite d’acteur central du financement de la puissance publique, bien au-delà de son rôle traditionnel de financeur de l’économie réelle.
Alors que la question de l’évasion fiscale cristallise depuis plusieurs années les tensions entre multinationales et opinion publique, Philippe Brassac choisit de faire de la contribution fiscale un sujet de communication stratégique. Cette démarche tranche avec l’opacité d’autres grands groupes, souvent soupçonnés de jouer avec les montages internationaux pour échapper à l’impôt. En revendiquant sa place de premier payeur d’impôts, le Crédit Agricole prend le contre-pied d’un récit dominant : celui d’entreprises déconnectées de leur environnement national. Le message est clair : le groupe assume son rôle de partenaire de l’État, sans faux-semblants ni contournements.
Cette revendication s’inscrit dans une logique profondément cohérente avec l’ADN du Crédit Agricole. Contrairement aux banques cotées classiques, le groupe fonctionne selon un modèle coopératif, où les décisions sont prises au plus près des territoires, et où les profits sont majoritairement réinvestis dans l’activité. Se présenter comme le premier contributeur fiscal, c’est aussi réaffirmer cette singularité : une banque proche du terrain, solidaire, enracinée. Philippe Brassac le rappelle avec constance : le Crédit Agricole ne délocalise ni ses bénéfices, ni ses responsabilités. Il les assume pleinement, dans l’hexagone, au service d’un bien commun fiscalement nourri.
Une conception exigeante de la fiscalité comme acte républicain
Dans la bouche de Philippe Brassac, la fiscalité ne relève pas d’un calcul d’optimisation, mais d’un engagement de principe. « L’impôt est un acte citoyen », dit-il en substance, en assumant que ce devoir, souvent perçu comme une charge, peut être un levier de légitimité. Cette position est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit à rebours du discours dominant des dernières décennies, qui a souvent réduit l’impôt à un coût à maîtriser, voire à fuir. Pour le patron du Crédit Agricole, au contraire, contribuer à l’effort collectif, c’est renforcer le lien de confiance entre l’entreprise et la nation. Une entreprise prospère n’est pas simplement performante : elle est utile.
La fiscalité n’est pas abstraite dans l’esprit de Brassac. Elle prend corps dans les écoles, les hôpitaux, les infrastructures, les collectivités locales. Elle irrigue la République. Le Crédit Agricole, fort de ses 39 caisses régionales et de sa présence historique dans tous les territoires, en est un témoin privilégié. En défendant cette vision, son directeur général affirme aussi une lecture non technocratique de l’économie : une lecture incarnée, tangible, où l’impôt n’est pas le résultat d’un arbitrage mais d’une responsabilité assumée. Cette approche remet l’humain au centre de l’analyse fiscale, et donne au groupe une épaisseur politique certaine.
Si Philippe Brassac ne vise personne, son propos résonne comme un appel à ses pairs. Dans un moment où la crise démocratique s’accompagne d’un rejet croissant des élites économiques, montrer que l’on paie ses impôts — et que l’on en est fier — est un acte de clarification. Il ne s’agit plus seulement de se défendre, mais de réaffirmer une forme d’exemplarité. La déclaration du patron du Crédit Agricole sonne donc aussi comme un rappel à l’ordre à destination des grands groupes internationaux, parfois tentés de ruser avec le système fiscal français. Elle redessine les contours d’un capitalisme à la française, à la fois performant, ancré et responsable.
Gouvernance, transition, performance : le Crédit Agricole à la croisée des chemins
La force du Crédit Agricole, c’est d’avoir réussi à allier stabilité financière et mission d’intérêt général. En 2024, malgré un contexte économique tendu, la banque a affiché des résultats solides, fruit d’une gestion prudente et d’un ancrage durable. Sa rentabilité n’est pas portée par des paris spéculatifs, mais par le financement de l’économie réelle, des agriculteurs, des PME, des collectivités. C’est cette robustesse qui lui permet aussi d’assumer pleinement ses obligations fiscales, tout en poursuivant ses investissements dans la modernisation de ses services et dans l’accompagnement de la transition écologique.
Après dix années à la tête du groupe, Philippe Brassac prépare son départ, laissant les rênes à Olivier Gavalda. Ce passage de témoin s’opère dans un climat de confiance, où la ligne stratégique semble largement consensuelle. L’objectif est clair : maintenir la performance tout en renforçant l’engagement du groupe dans les grands enjeux contemporains — climat, inclusion, cohésion territoriale. La défense d’une fiscalité responsable apparaît alors comme un socle non négociable de cette continuité. Ce n’est pas une posture de communication : c’est un engagement structurel.
Le discours de Philippe Brassac dépasse le champ bancaire. En se positionnant comme acteur majeur du financement public, le Crédit Agricole entend être un rouage actif dans la transformation du pays. À l’heure où l’État cherche à mobiliser les grands groupes pour répondre aux défis écologiques, numériques et sociaux, cette posture lui confère un rôle stratégique. Être le premier contributeur fiscal ne suffit pas : encore faut-il orienter cette contribution vers les grands chantiers du futur. Et c’est bien cette ambition qu’esquisse Brassac : faire du Crédit Agricole un pilier à la fois économique, social et républicain de la France d’aujourd’hui et de demain.