À partir de 2025, les consommateurs français pourraient voir leurs achats sur des plateformes comme Shein devenir nettement plus coûteux. Une nouvelle taxe environnementale, surnommée « malus fast fashion », prévoit d’imposer jusqu’à 10 euros par article acheté sur ces sites. Mais pourquoi cette mesure frappe-t-elle plus durement les clients des plateformes à bas coût que ceux des enseignes traditionnelles ?
Une taxe fixe aux conséquences variables
La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2024 prévoit un malus environnemental pouvant atteindre 10 euros par article d’ici 2030, avec une première étape à 5 euros en 2025. Cette taxe vise spécifiquement les entreprises de « fast fashion » qui produisent massivement des vêtements à bas coût, renouvelant constamment leurs collections.
Si le montant de la taxe est fixe par article, son impact est proportionnellement plus lourd sur les articles bon marché. Par exemple, un t-shirt à 5 euros verra son prix doubler avec une taxe de 5 euros, soit une augmentation de 100 %. En revanche, un vêtement à 50 euros ne subira qu’une hausse de 10 %.
Shein et Temu : des prix bas, une taxe plus lourde
Shein et Temu se sont imposés en France grâce à des prix défiant toute concurrence. Selon l’Institut français de la mode, le prix moyen d’un article sur Shein est d’environ 10 euros, tandis que le panier moyen sur Temu est de 20 euros.
Avec l’application de la taxe, un article à 10 euros sur Shein coûtera 15 euros en 2025, puis 20 euros en 2030. Sur Temu, un panier moyen de 20 euros passera à 25 euros, puis à 30 euros. Cette hausse représente une augmentation significative pour des consommateurs attirés par les petits prix.
La loi vise spécifiquement les plateformes comme Shein et Temu, qui inondent le marché de nouveaux modèles à un rythme effréné. Shein, par exemple, mettrait en ligne jusqu’à 7 200 nouveaux modèles par jour, ne lançant la production massive que pour les produits les plus demandés, à la différence des enseignes comme Zara ou H&M qui produisent de nouvelles lignes toutes les six semaines, générant des montagnes d’invendus.
C’est toute l’ambiguïté de la proposition de loi qui exclut de son périmètre les marques de fast fashion traditionnelles et la grande distribution, dont le modèle est pourtant tout autant critiquable d’un point de vue environnemental.
Une TVA sur les produits des plus pauvres
Cette mesure soulève des critiques. Certains estiment qu’elle pénalise les consommateurs aux revenus modestes, pour qui ces plateformes représentent une solution économique pour s’habiller. Christophe Castaner, directeur RSE de Shein France, a d’ailleurs déclaré : « On est en train d’inventer une TVA sur les produits des plus pauvres. »
En France, plus de 12 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Pour ces foyers, le recours à des vêtements à très bas coût est une nécessité, pas un choix. Un sondage relayé par plusieurs associations de consommateurs indique qu’un tiers des acheteurs de plateformes ultra low-cost déclarent acheter en ligne parce qu’ils ne peuvent pas s’habiller autrement à prix raisonnable. Ces plateformes permettent de se vêtir pour moins de 50 euros par mois, là où une enseigne classique facture parfois 30 à 40 euros une seule pièce.
Prenons un panier type de 5 articles pour 45 euros – soit environ 9 euros par pièce. En 2030, ce même panier serait taxé de 50 euros, portant son prix total à 95 euros. Une hausse de plus de 110 %, insoutenable pour beaucoup de ménages. À l’échelle d’une famille avec deux enfants, le surcoût annuel lié à cette taxe pourrait dépasser les 600 euros, en supposant 3 commandes par saison.
Alors que les prix de l’alimentation, de l’électricité ou des loyers continuent d’augmenter, cette taxe sur la mode bon marché risque de toucher de plein fouet ceux qui n’ont d’autre choix que de privilégier le prix au reste. Une mesure pensée pour l’écologie, mais qui, en l’absence de compensation sociale ou d’alternatives accessibles, risque d’aggraver les fractures économiques déjà profondes.