Depuis 2022, la Russie lutte pour maintenir son effort de guerre tout en affrontant des sanctions sévères et des ajustements économiques majeurs. Mais à quel prix ?
Croissance économique : un mirage de stabilité
Les statistiques russes sur la croissance économique sont souvent suspectées d’être biaisées. En dépit de certaines données prometteuses, comme l’indice des directeurs d’achat (PMI), qui indique une expansion continue de l’activité depuis le quatrième trimestre 2022, les résultats semblent surestimer la solidité réelle de l’économie. Les mesures alternatives basées sur les enquêtes ou les sondages présentent une réalité moins favorable. Si l’industrie manufacturière continue de croître, c’est avant tout grâce aux investissements militaires massifs.
Les industries lourdes, telles que la production d’armement, ont prospéré sous l’effet des dépenses militaires, tandis que les industries de biens de consommation et celles de produits intermédiaires stagnent. Cette dynamique accentue la dépendance de l’économie russe à ses besoins militaires, négligeant une part essentielle de la production industrielle. En conséquence, la diversité industrielle et l’innovation s’en trouvent réduites, ce qui fragilise la compétitivité à long terme.
L’une des caractéristiques marquantes de l’économie russe est son taux de chômage exceptionnellement bas, dû en grande partie à la conscription militaire et à l’engagement des jeunes dans l’industrie de guerre. Cependant, cette situation masque un autre problème : la fuite des jeunes diplômés du pays et l’insuffisance des qualifications disponibles pour d’autres secteurs. Ce phénomène, couplé à un resserrement des ressources humaines, entraîne une forte pression sur le marché du travail et une augmentation des salaires réels. Mais, à long terme, ce modèle n’est pas soutenable si la fuite des cerveaux se poursuit.
Inflation et politique budgétaire : une tension grandissante
L’inflation en Russie dépasse actuellement les 15 %, un chiffre qui pénalise principalement les ménages à faibles revenus. La hausse des salaires réels, bien qu’elle permette une certaine demande intérieure, alimente directement l’inflation, exacerbant ainsi le coût de la vie pour la majorité de la population. Les ménages russes, qui consacrent une grande part de leur budget à l’alimentation, sont particulièrement touchés par cette poussée des prix.
La Banque centrale russe peine à maîtriser l’inflation. Malgré des taux d’intérêt élevés, la politique monétaire ne parvient pas à rétablir la confiance dans la stabilité des prix. Les anticipations des ménages sur la hausse des prix en 2025 témoignent d’une méfiance croissante envers les mesures gouvernementales. Bien que le gouvernement tente de rassurer la population par des discours sur la réduction de l’inflation, il semble que la politique monétaire actuelle ne soit pas à la hauteur des enjeux économiques.
Le budget russe est sous pression, avec des dépenses militaires croissantes et un besoin de maintenir des subventions pour compenser les effets de la guerre sur la population. Le gouvernement a dû augmenter ses taxes pour financer cet effort, mais cette stratégie semble vouée à une diminution progressive des marges budgétaires à mesure que les recettes des énergies fossiles diminuent. Les dépenses publiques resteront élevées, mais cette situation pourrait ne pas être tenable à long terme sans une restructuration économique plus profonde.
Commerce extérieur : réorientation et défis logistiques
La Russie s’est tournée massivement vers la Chine pour remplacer ses partenaires européens, mais ce partenariat n’est pas sans contraintes. Bien que la Chine soit un fournisseur clé de biens bon marché et de produits industriels, elle ne peut pas compenser à elle seule les pertes dues à l’embargo sur les produits technologiques et industriels. Le commerce entre la Russie et la Chine, bien qu’important, a diminué récemment de 10 %, signe que la Russie peine à trouver des alternatives suffisantes à ses anciens partenaires commerciaux.
L’Inde, quant à elle, est devenue un partenaire stratégique, notamment pour l’exportation de pétrole russe. L’Inde a investi en Russie pour développer des capacités de raffinage, facilitant ainsi l’exportation de pétrole russe via des canaux alternatifs. Ce commerce représente une bouffée d’oxygène pour la Russie, mais il ne compense pas totalement la perte d’accès aux marchés européens.
Les exportations de gaz restent un défi majeur. Bien que la Russie cherche à vendre du gaz à la Chine via des pipelines, les infrastructures nécessaires sont insuffisantes et leur construction prend des années. Les négociations avec la Chine sont également tendues, la Chine cherchant à obtenir les meilleures conditions possibles. Le gazoduc Sila Sibiri, qui devrait relier la Russie à la Chine, reste sous-développé, et les perspectives à court terme pour l’exportation de gaz russe sont incertaines.